Trente-cinq ans après le lynx fait son bilan

 
Le Dossier

Éric Marboutin
Office national de la chasse et de la faune sauvage

 

Le lynx est réapparu en France au début des années 70. Trente ans plus tard, le bilan laisse apparaître que les populations croissent et qu’elle colonisent de plus en plus d’espace. Ce bilan a pu être possible à la suite d’un suivi standardisé mis en place depuis 1990. 850 bénévoles appartenant au réseau Lynx sont régulièrement sollicités pour consigner leurs observations.
Aujourd’hui, on peut noter un noyau principal d’animaux, très actifs sur le plan démographique. Située sur le massif jurassien, cette population s’est constituée à partir d’une colonisation naturelle par les descendants de lynx du Jura suisse. Ceux-ci étant eux-mêmes issus de réintroductions effectuées dès le début des années 70.
Historiquement parlant, le deuxième noyau est vosgien. Il a été constitué à partir de quelques animaux ré-introduits dans les années 80. Ce noyau ne semble pas encore vraiment connecté sur le plan démographique (immigration/émigration) avec celui du massif jurassien.
Un troisième noyau est encore en voie de constitution. Il a été détecté sur le massif alpin. D’ailleurs, dans ce dernier cas, la terminologie même de « noyau » est peut-être abusive. Seuls des indices « éclatés » dans l’espace et au cours du temps ont été récoltés. Sauf sur la partie nord des Alpes où le lynx a été régulièrement observé et des cas de reproduction documentés, on ne peut parler d’une vraie récurrence de l’espèce. Par contre, cette population est très probablement en connexion démographique avec le noyau jurassien.
Si le suivi ainsi mis en place n’a pas d’objectif stratégique affiché (a contrario par exemple de l’ours pour lequel le ministère en charge de l’environnement a annoncé des objectifs chiffrés), certaines études ont eu des applications très pratiques. Ainsi, quand sa présence a posé des problèmes au cheptel domestique (prélèvement de brebis). Le suivi des lynx par colliers émetteurs a permis une évaluation objective du problème et des facteurs déterministes. Dans le massif jurassien, on a pu constater que les attaques étaient concentrées dans l’espace. Certains animaux, profitant du fait que des exploitations étaient enclavées ou proches des massifs forestiers, s’étaient spécialisés dans le prélèvement de moutons comme ressource alimentaire. Par ailleurs, le suivi de l’espèce a permis de conclure que la dynamique de la population fonctionnait et qu’il était possible de supprimer quelques individus sans que la conservation de l’espèce soit remise en cause. La gestion sociale du problème a ainsi été possible.
Les méthodes
mises en œuvre
Le suivi du statut du lynx se fait au travers du suivi de son aire de distribution et de son évolution au cours du temps. Tous les indices de présence (poils, empreintes, proies sauvages et domestiques, observations visuelles, etc.) collectés par les correspondants du réseau sont validés selon une méthode standardisée établie par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage.
Cette façon de procéder a été retenue suite à des comparaisons effectuées entre des données recueillies, sur le terrain, par le réseau et d’autres données obtenues par radio pistage de lynx dans le Jura français. Chaque donnée « réseau » est consignée sur des fiches de terrain et décrite selon plusieurs critères (par exemple, pour une empreinte, on mesure la longueur de la voie, son alignement, les dimensions et la forme des empreintes…).
Selon le degré de convergence entre ces critères et les caractéristiques théoriques des signes de présence du lynx, on retient ou non l’information correspondante.
Chaque information est ensuite cartographiée sur une maille de 9 x 9 km. Ce degré de précision a été sélectionné car l’image de la distribution spatiale des lynx ainsi dessinée coïncidait bien avec celle déduite des localisations télémétriques des animaux suivis par radio pistage.
Ce faisant, on a effectué une sorte de « validation » de la méthode de suivi par le réseau Lynx en la comparant avec une méthode de référence : la télémétrie.
Sur la cartographie, la récurrence des individus est évaluée par périodes triennales. Elle permet de caractériser le statut de l’espèce en fonction des régions. On ne peut estimer qu’un ordre de grandeur des effectifs : au minimum environ 150 individus, dont 60 % sur le massif jurassien, 20 % dans le massif alpin, et autant dans les Vosges. L’aire de présence détectée est partout en augmentation (cf. carte).