Italiens et Français éditent un manuel pédagogique et technique

Le bon chemin pour restaurer les sentiers

 

Espaces naturels n°27 - juillet 2009

Méthodes - Techniques

Emmanuel Gastaud
Chargé de communication scientifique et technique - Parc national du Mercantour

 

Les sentiers méritent toute notre attention. Afin de gérer ce patrimoine, un nouveau manuel technique et pédagogique sur la restauration des sentiers a été édité. Pourquoi un tel ouvrage ? Comment s’en servir ?

Un fin diagnostic est la clef de la réussite pour la restauration d’un sentier. Un manuel pédagogique et technique a donc été conçu en ce sens : former l’œil et l’esprit avant d’utiliser pics et pioches.
Le risque est grand, en effet, d’effacer les traces de notre mémoire collective par une restauration hâtive, non réfléchie, inadéquate… privant ainsi les générations à venir des racines de leur histoire. Nous privant alors, tous, de la compréhension des fondements de notre culture née des activités humaines : commerce, transhumance, pèlerinage…
Et puisqu’une immersion dans l’histoire des sentiers est nécessaire pour se rendre compte de leur intérêt patrimonial, alors, naturellement, le premier chapitre de l’ouvrage traite de l’historique des sentiers et, ici plus particulièrement, de l’espace franco-italien Mercantour-Alpi Marittime.
On y apprend que certains sentiers furent créés il y a plus de 5 000 ans… mais qu’on ne s’y méprenne pas, il ne s’agit pas d’un cours d’histoire. Il s’agit plutôt, pour celui qui entame l’aventure de la restauration, de se mettre en condition par l’adoption d’une posture mentale. À cette étape du guide, une sorte de rapport intime avec l’environnement se joue, où l’on réalise que restaurer c’est intervenir sur l’ouvrage mais également sur la transmission du savoir-faire traditionnel qui en est à l’origine : la plupart de ces sentiers ont été réalisés durant les siècles précédents avec des matériaux naturels locaux, en harmonie avec les milieux, et en utilisant des techniques très précises qui malheureusement ont tendance à se perdre.
En découvrant, par exemple, que le chemin du col de Tende est à jamais associé à l’histoire de la route du sel. « Au 17e siècle, près de 6 000 tonnes de sel sur le dos de 30 000 mulets transitaient chaque année, au départ du cours Saleya à Nice et à destination du Piémont. Le voyage prenait plusieurs jours »… on s’imprègne de l’essentiel, de l’esprit qu’il convient de sauvegarder lors de la restauration à venir.
On peut alors, plus prosaïquement, répondre à cette question, essentielle pour le gestionnaire : comment ce sentier constitue-t-il aujourd’hui un outil pour le développement durable ?
Photos et anecdotes égrainent ce chapitre premier long de vingt pages.

Connaître le sentier. L’aspirant restaurateur poursuit ensuite son parcours initiatique à travers un deuxième chapitre, plus technique : « Connaître le sentier et ses problématiques. » L’ouvrage propose de répondre à tout un lot de questionnements et offre, pour ce faire, plusieurs fiches techniques d’analyse à remplir. Celles-ci visent à l’observation du sentier afin d’y rechercher les caractéristiques physiques, patrimoniales, d’usages et de gestion. Voici les questions fondamentales à se poser afin de réaliser un diagnostic fin pour votre projet : quelle fréquentation, quelle histoire, quelles caractéristiques physiques, quel statut foncier, quelles dégradations ?
Cette étape est indispensable pour établir la stratégie d’approche et la méthode d’aménagement du sentier. Les bonnes décisions passent par la réponse à ces interrogations.
Bien sûr, les fiches d’analyse proposées ne sont que des exemples, elles donnent au gestionnaire le cadre de ce que doit contenir une étude complète des sentiers. Pour bien comprendre l’intérêt de ces grilles d’analyse, on se reportera à la fiche concernant les caractéristiques techniques reproduites (voir schéma 1).
Le chapitre s’attarde sur le diagnostic de dégradation. Il propose au lecteur, après qu’il a séquencé l’itinéraire, c’est-à-dire qu’il a décomposé le sentier en sections, de remplir une grille (tableau 3) lui permettant d’affiner son diagnostic de dégradation et l’autorisant à définir sa stratégie d’intervention. Une boîte à outils : ouvrages possibles à réaliser en vue d’une réhabilitation adéquate en fonction des dégradations, est également proposée.
S’agit-il d’une dégradation liée à la mauvaise qualité de l’assiette, à l’eau, à la pente ? Les versants sont-ils instables ? Ou bien faut-il intervenir du fait de l’insécurité (chute de pierres possibles…) ou d’atteintes paysagères et environnementales (raccourcis indésirables, zone écologiquement sensible…) ? Des solutions indicatives sont alors décrites dans un chapitre trois.
Le lecteur l’aura compris, ce troisième chapitre est très technique. Soit dit en passant, il ne manquera pas d’être utile pour constituer les cahiers des charges d’appels d’offres. Emportées sur le terrain, ces fiches techniques permettront également d’adapter les solutions proposées à la réalité des lieux.
Aménagements de l’assiette du sentier, ouvrages de gestion des eaux, revêtements de sols, ouvrages de franchissement de dénivellation, d’élévation et soutènement, de stabilité de versant, dispositifs de lisibilité du tracé… les ouvrages classés par famille donnent lieu à des schémas expliquant les principes de mise en œuvre, les domaines d’utilisation de chaque ouvrage, les matériaux à utiliser mais aussi les conditions de pérennité.
C’est ainsi que l’on apprend que, concernant les murs de soutènement et murets maçonnés à la chaux : « Si les principes constructifs (y compris le drainage) ont été correctement respectés, la durée de vie de ce type d’ouvrage est d’une trentaine d’années minimum hors désordre géotechnique exceptionnel. »
Un exemple repris dans ces deux pages illustre, mieux qu’un long discours, l’utilité de ce volume dont la clarté, la précision et la simplicité sont à mettre en exergue.
Afin de ne pas laisser le lecteur seul face à ces choix, un quatrième chapitre présente des chantiers déjà réalisés. On y puise des éléments pour évaluer vos besoins humains, matériels… et bien sûr le temps et le coût de réalisation. Il s’agit d’un résumé de chaque chantier qui présente les choix stratégiques des gestionnaires.