Xynthia

La catastrophe pousse à élargir le champ de vision

 
Le Dossier

Dominique Aribert
directrice du pôle conservation à la LPO
Philippe Sauvage
responsable de la mission scientifique du CDL

Dans la nuit du 28 février 2010, la tempête Xynthia franchit digues et dunes de la façade atlantique, submergeant alors les zones basses du littoral. Plusieurs milliers d’hectares sont envahis en quelques heures. La presse a longuement relaté les effets de cette tempête sur les zones urbanisées. Mais les milieux naturels, comment ont-ils évolué ? Trois années plus tard, Dominique Aribert (LPO) et Philippe Sauvage (Conservatoire du littoral), tirent les enseignements de ce phénomène climatique majeur

© Henri Camus

Comment avez-vous réagi, en tant que gestionnaire d’espaces naturels dans les jours qui ont suivi la tempête ?
DA
: Une fois les situations personnelles réglées, les gestionnaires d’espaces naturels sont retournés sur les sites, d’abord pour faire le constat des dégâts puis pour tenter de les remettre en marche. Les espaces naturels ont payé un lourd tribut dans la nuit. La mer a non seulement détruit les installations d’accueil du public, noyé moutons, vaches et chevaux qui assuraient l’entretien des prairies naturelles et, modifié profondément les milieux pour plusieurs années. Le sel a brulé la végétation et détruit certains cortèges floristiques ou des populations d’amphibiens. Pour le gestionnaire du site déjà touché par des situations personnelles difficiles, c’est un nouveau drame, professionnel celui-là. Le plan de gestion qu’il avait soigneusement pensé, réfléchi et mis en oeuvre perdait tout son sens.

Et au Conservatoire du littoral, quels sont les enseignements que vous tirez de cet événement extrême ?
PS : Après la période de remise en état des sites, au cours de laquelle nous avons accompagné les gestionnaires pour réparer les dégâts de toute nature, nous nous sommes attelés à essayer de trouver des solutions sur le long terme. Xynthia n’était pas la première tempête du genre. Si, par son importance, elle a marqué autant les esprits, des prémices avaient eu lieu les années précédentes. En 1999, par exemple, la tempête Martin a touché profondément le littoral entre la Gironde et la Vendée. L’impact sur les sites fut différent car c’est le vent qui avait fait le plus gros des dégâts. Mais à cette époque, personne ne songeait à un retour aussi régulier de ces phénomènes. Ils n’avaient pas été pris en compte au moment de la réflexion autour des plans d’aménagement et de gestion des sites.
Xynthia nous a enseigné le contraire : il faut maintenant composer avec ces tempêtes autant en matière d’urbanisme que de gestion des espaces naturels. à l’avenir, il sera dans l’intérêt des gestionnaires et de leur site d’envisager l’occurrence régulière de tels phénomènes et de s’y préparer. Les plans de gestion devront être adaptés en conséquence et devront envisager le repli stratégique des espèces dont le cycle biologique ne pourra plus être assuré sur une réserve de petite taille.
Penser de nouvelles dynamiques pour les écosystèmes côtiers, basées sur les notions de variabilité et de résilience, est désormais un vrai défi.
Dans des cas extrêmes, il peut même être envisagé de repenser totalement le site et regarder à plus grande échelle, la « relocalisation » des espèces et des écosystèmes. Quand cela sera possible. Peut être même devra-t-on déplacer les aménagements d’accueil du public ou les bâtiments utilisés pour la gestion.
DA : Nous sommes d’accord sur l’analyse, le gestionnaire va devoir s’adapter aux bouleversements et les intégrer dans les plans de gestion. Il doit repenser totalement le site, envisager d’autres lieux qui pourraient remplacer ces milieux perdus pour le domaine terrestre, fonder une nouvelle politique d’accueil des visiteurs.