BILLET

Quelles responsabilités pour les gestionnaires ?

 
Le Dossier

Gilles Boeuf, président du Muséum national d’histoire naturelle, professeur à l’Université Pierre & Marie Curie, professeur invité au Collège de France 

 

La biodiversité a été définie comme « toute l’information génétique comprise dans un individu, une espèce, une population, un écosystème » mais nous nous attachons aujourd’hui à la caractériser comme étant l’ensemble de toutes les relations établies entre les êtres vivants, entre eux et avec leur environnement. C’est en fait la fraction vivante de la nature !

« Plus nous tardons collectivement, plus nous allons en payer les conséquences. »

Les êtres vivants, tous compris, des virus et bactéries aux protozoaires, champignons, plantes et animaux, humains inclus, ont depuis leur apparition, construit les écosystèmes en s’organisant entre eux. Si durant des milliards et centaines de millions d’années, tout a évolué sous la pression des facteurs abiotiques (température, salinité de l’océan, longueur du jour…) et biotiques du milieu (facteurs liés au vivant, la nourriture par exemple, sa composition, sa disponibilité…), depuis une époque récente dénommée « anthropocène », la plus grande force évolutive sur cette planète est la présence de l’humain, associé à son cortège d’activités (plantes et animaux domestiques par exemple). Et la biodiversité aujourd’hui s’en va, elle s’en va inéluctablement, de plus en plus vite sous les « coups de boutoir » de l’humanité. Les raisons en sont les destructions et pollutions des milieux naturels, la surexploitation des ressources vivantes, dépassant alors leur seuil de « renouvelabilité », la dissémination anarchique d’espèces, certaines se révélant ensuite invasives et enfin le changement climatique et le réchauffement global dans

lequel l’humain a bien sa part.. Alors quelles responsabilités pour les gestionnaires d’espaces naturels ? Ils sont « dépositaires » de milieux remarqués pour diverses caractéristiques liées à la présence d’une grande richesse en espèces, d’espèces ou de biotopes particuliers. Le changement climatique aboutit inéluctablement et rapidement au déplacement des espèces mobiles, plus lentement pour celles qui « bougent peu » (arbres, espèces marines sessiles…). Nous mesurons très bien aujourd’hui les migrations forcées des espèces, vers le nord dans l’hémisphère nord, à l’opposé dans l’hémisphère sud. Pour le climat, il va falloir s’adapter, le processus étant enclenché ! En revanche, plus nous tardons collectivement à prendre des mesures de contrôle de nos émissions diverses, plus nous allons en payer les conséquences longtemps et  en intensité des perturbations. Les invasives causent de redoutables problèmes de compétition et de modifications rapides de faune et de flore, mais dans ce domaine  et selon les cas, les comportements à suivre vont de l’indifférence à l’intolérance la plus totale. Gardons à l’esprit que nos espaces protégés sont d’extraordinaires « sentinelles » des changements de tous ordres qui nous affectent aujourd’hui, une bonne partie créés par nous, qui nous « auto-agressons » en permanence ! Et aussi qu’ils sont bien insuffisants pour « tout protéger », car nous pouvons très bien les perdre, même en les surveillant intensément, ceci sous l’action de facteurs globaux  (température, salinité, disponibilité en oxygène, ozone, pollutions, dissémination d’invasifs ou de pathogènes…). Alors faisons tous pression collectivement sur les  acteurs d’un développement insoutenable.