Conciliation versus rémunération

 

Espaces naturels n°36 - octobre 2011

Le courrier

Aurélien Canny
Chargé d’études RNN de l’Estuaire de la Seine

La conciliation est aujourd’hui le maître mot. Dans la Réserve naturelle de l’Estuaire de la Seine, se rencontre une centaine d’exploitants agricoles, six coupeurs de roseau et 1 500 chasseurs de gibier d’eau, le tout dans un contexte industrialo-portuaire où les projets ne cessent de naître ! En toile de fond : des prairies humides, une des plus grandes roselières de France, et des vasières qui se réduisent comme peau de chagrin…
Comme beaucoup de gestionnaires, la Maison de l’Estuaire a mis en place des mesures agro-environnementales, devenues entre-temps, contrats d’agriculture durable. En contrepartie d’une adaptation de ses pratiques, le contractant touche une compensation financière. Ainsi, tout le monde y trouve son compte : le gestionnaire obtient ce qu’il souhaite et l’agriculteur n’a pas de perte financière (bien au contraire…).
Mais ainsi vont les contrats comme les politiques… ils vont et viennent, et un jour disparaissent faute de financement…
C’est là que le système est pervers, voire contre-productif. Ayant ainsi fonctionné durant des années, le contractant n’accepte pas de continuer autrement ! Dans un premier temps, il menace de cesser ses efforts. Il réclame de nouveaux contrats, faute de quoi la situation redeviendra celle d’auparavant…
Nommez-vous cela de la concertation ?
D’autres expériences ont également été menées. Autour de l’eau par exemple ; une des clés de l’estuaire de la Seine. Tout le monde veut de l’eau mais pas au même moment ! Aussi, depuis deux ans, l’État a mis en place un outil de concertation : le comité des usages de l’eau. Piloté par l’administration, ce groupe réunit des représentants des différents acteurs. Qu’observe-t-on alors ? Si ce comité a l’avantage de réunir régulièrement les protagonistes, le fruit de cette concertation n’est pas toujours au bénéfice des milieux naturels, les enjeux économiques mis en avant par les agriculteurs prenant une nouvelle fois le dessus…
Est-ce à dire que la concertation « gratuite » est impossible ? L’exemple d’un vaste programme de réhabilitation d’anciennes mares de chasse, entrepris en 2008, rassure sur le sujet. L’association de chasse locale y a vu son intérêt dès les premiers coups de pelle du bulldozer. Le programme a alors reçu l’approbation générale des chasseurs et, depuis l’hiver 2010, des comptages concertés sans contrepartie ont vu le jour.
La concertation « gratuite » est donc possible. On s’aperçoit qu’elle concerne avant tout les activités récréatives et qu’elle devient plus délicate dès lors qu’on touche aux activités lucratives.