La mobilité est-elle possible ?
Espaces naturels n°21 - janvier 2008
Gaëlle Ageri
Centre national fonction publique territoriale
Monique Fabbro
Atelier technique des espaces naturels
Depuis quelques années, les métiers des espaces verts exercés dans les villes et ceux des espaces naturels se rapprochent, et de nouveaux métiers apparaissent, liés aux nouveaux modes de conception et de gestion des espaces.
Les métiers des espaces verts des villes et ceux des espaces naturels sont-ils si différents ? Existe-t-il des passerelles pour aller des uns aux autres ? La mobilité est-elle possible ? Hier encore, la réponse aurait été clairement négative car de nombreux éléments séparent le monde des espaces verts de celui des espaces naturels. D’un côté, des métiers techniques et artistiques de l’horticulture et du paysage, anciens et reconnus depuis plusieurs siècles dans la lignée de Le Nôtre, jardinier de Louis XIV (on pense à de grands noms du paysage d’aujourd’hui) ; de l’autre, des métiers nouveaux apparus au début du 20e siècle, à mesure que progressaient la connaissance scientifique (biologie, éthologie…) et la sensibilité écologique. L’échelle de travail, non plus, n’est pas identique : le square, le parc urbain pour les uns, le parc naturel régional ou national pour les autres… Mais la différence se marque aussi dans les représentations des usagers qui voient dans ces espaces des territoires quotidiens ou, au contraire, le domaine de l’exceptionnel, le « sanctuaire » de la nature. Quant aux objectifs et méthodes de gestion, ils sont presque opposés : cultiver et mettre en scène l’espace pour l’un, protéger et préserver son caractère naturel (non aménagé) pour l’autre. Rapprochements Longtemps, tant que les collectivités ont pratiqué une gestion intensive horticole, rien n’a favorisé les rapprochements, la connaissance ou la reconnaissance réciproque. À partir des années 90 toutefois, les collectivités envisagent le développement et la création de nouveaux espaces, en prenant de plus en plus en compte leurs différents aspects : environnementaux, sociaux et économiques. On parle d’aménagement durable, de démarche de qualité environnementale des espaces publics, de gestion différenciée1 des espaces verts, de techniques économes en ressources naturelles (limitation de l’arrosage, produits phytosanitaires, recyclage de déchets…), de renforcement de la biodiversité (corridors écologiques…), de recyclage de matériaux de démolition, de marchés éco-responsables, de participation à la mixité sociale (jardins d’insertion sociale, jardins familiaux, jardins publics…). Dans le domaine des espaces naturels, le contexte évolue lui aussi, et la notion de sanctuaire, issue des années 60, a fait place à une vision plus complexe et à une recherche d’intégration dans le territoire, voire de développement local associé à la protection et à la conservation (tourisme durable, accueil du public, médiation scientifique). De vives oppositions rencontrées lors de projets de création de nouvelles aires protégées et, plus tard, les réactions hostiles lors du développement du réseau européen Natura 2000, font prendre conscience aux gestionnaires de la nature que la dimension humaine et sociale de leurs projets devient prioritaire. Dans ce contexte, on assiste à un glissement des missions et des compétences. C’est ainsi que la gestion et la politique d’espaces naturels sont de plus en plus confiées aux collectivités locales (sites du réseau Natura 2000). Et que les missions de développement du territoire, d’accueil du public, de maîtrise des pratiques sportives en milieu naturel sont de plus en plus assumées par les gestionnaires d’espaces naturels. Une des conséquences de cette évolution est la convergence des profils des personnes qui y travaillent : les métiers se rapprochent. Démarches simultanées À la fin des années 90, pour faire reconnaître les activités et les compétences, des démarches de référentiels2 métiers sont initiées au Centre national de la fonction publique territoriale comme dans le réseau de l’Atelier technique des espaces naturels. Elles ont été révisées en 2004 et 2005 pour tenir compte des évolutions. En ce qui concerne les métiers des espaces verts et du paysage, deux tendances semblent émerger : • une « imprégnation » scientifique et écologique des métiers traditionnels des espaces verts. En témoigne la fusion des fiches métiers agent d’entretien des espaces verts et agent d’entretien des espaces naturels. On parle désormais d’agent d’entretien des espaces de nature, qu’ils soient jardinés, spontanés, agricoles, maraîchers… • l’apparition de nouveaux métiers liés aux nouveaux modes de conception et de gestion, mais aussi à l’extension des compétences des collectivités dans le domaine de la gestion d’espaces naturels protégés. Parmi l’émergence de nouveaux métiers, on peut souligner celui de chef de projet paysage qui œuvre à une échelle de territoire plus grande que le concepteur paysagiste, généralement au sein d’une intercommunalité, d’un département ou d’un parc naturel urbain. Il opère dans les services environnement, agriculture, espaces naturels et forêts, comme soutien de projets de territoires fondés sur les chartes et plans de paysages. En ce qui concerne les espaces naturels, outre les métiers emblématiques de conservateur de réserve naturelle ou de garde (garde du littoral, éco-garde, garde-moniteur de parc national, etc.), la réalisation des référentiels métiers a permis de mettre en lumière les métiers de la gestion de l’information (sigiste, géomaticien, webmestre), bases de données et cartographie, par exemple ; mais aussi les métiers de l’information et de l’éducation à l’environnement associés aux missions d’accueil, de communication, de documentation, d’animation et de pédagogie. Pour les métiers de garde ou de conservateur, des compétences transversales indispensables ont été identifiées aussi en matière de gestion, de communication, de médiation, d’aménagement paysager, etc. Des passerelles pour les carrières La question se pose alors de savoir si les collectivités locales peuvent offrir des opportunités aux agents des espaces naturels qui souhaitent évoluer dans leur carrière (ou inversement). Soit en restant dans le domaine de la gestion de la nature, mais en évoluant dans les espaces naturels gérés par des collectivités ; soit en intégrant des services espaces verts ou espaces naturels urbains ou périurbains, qui nécessitent aujourd’hui des compétences complémentaires à celles de la gestion horticole, liées à la concertation, l’animation, la médiation. On trouve actuellement, par exemple, un naturaliste à Rennes, un sociologue dans le service Jardins de Nantes, on parle de « plan faune indigène » à Besançon… Les agents des collectivités ont, bien sûr, la possibilité d’intégrer par mutation des postes dans les espaces naturels dont la structure gestionnaire est une collectivité locale : parc naturel régional, certaines réserves naturelles et les collectivités gérantes des terrains du Conservatoire du littoral. Ils ont aussi la possibilité de travailler dans un parc national ou dans une réserve par la voie du détachement. Restait à trouver une place pour ces métiers dans le statut de la fonction publique territoriale. Un travail de correspondance a donc été fait, essentiellement au niveau des parcs naturels régionaux et des réserves naturelles, dont les principales correspondances sont présentées dans le tableau ci-contre (la référence des cadres d’emplois est donnée à titre indicatif). D’une certaine façon, la coupure ancienne entre les problématiques des espaces verts et des espaces naturels est en voie de résorption dans le fonctionnement actuel des collectivités et, au-delà, dans la formation des gestionnaires.