Reconsidérer notre rapport au Vivant
Peu conscients de l’interdépendance entre non-humains et humains, ces derniers s’autorisent à décider ce qui est utile ou inutile, voire nuisible, et pourquoi pas à éradiquer des espèces vivantes. Des effets boomerang en résultent telles des maladies nosocomiales ; des pullulations de ravageurs dont les prédateurs n’existent plus ; la multiplication des résistances aux herbicides, pesticides, antibiotiques, etc., et pour les humains, l’appauvrissement d’écosystèmes qui entraîne des pénuries… ou pire.
Il s’ensuit la nécessité de consentir à des investissements lourds pour compenser la perte de services que la nature nous livrait gratuitement jusqu’à ce qu’on les détruise : les services écosystémiques. Ceux-là mêmes à la base d’une gestion intelligente des relations entre une société et sa nature.
Et, parce que ces services sont identifiables et qu’il est possible d’en suivre la disponibilité, il est envisageable d’établir le niveau de compensation exigible par des entreprises, administrations, particuliers… tous ceux qui en dégradent la disponibilité.
Deux approches de la question s’affrontent alors. La première consiste à attribuer un prix (1) aux services. Cette vision entraîne la possibilité d’en confier la gestion au marché. Avec, pour conséquence, le fait qu’ils puissent devenir objet de spéculation sans pour autant que leur pérennité soit garantie.
La seconde approche consacre l’idée que l’importance du service écosystémique repose sur sa disponibilité. Et que, s’agissant de services cruciaux, voire vitaux, leur disponibilité doit être maintenue ou restaurée dès lors qu’elle a été altérée. C’est donc le coût de maintenance ou de restauration qui est au centre de cette vision, et non le prix.
Malheureusement, cette approche sur laquelle s’accordent de nombreux économistes, ne semble pas avoir les faveurs des décideurs politiques et administratifs.
Reste que s’intéresser aux services écosystémiques revient à se concentrer sur le produit des interactions entre organismes vivants et donc à consacrer une approche plus économe et non moins pertinente que le suivi par espèces.
Sans compter qu’à l’heure où les aides européennes sont associées à la maintenance des services écosystémiques, un tel suivi ne peut que s’avérer « productif » pour les espaces naturels. •
1. C’est oublier que la valeur résulte du produit de la quantité par le prix. Nos experts semblent considérer que le prix seul est « économique », et non la quantité. Autrement dit l’économiste qui fait son marché ne demandera pas un kilo de patates mais « mettez-m’en pour deux euros » !