L’avis de Guy Martini

La protection in situ, une si bonne idée ?

 

Espaces naturels n°43 - juillet 2013

Le Dossier

Guy Martini
Directeur de la Réserve géologique Haute Provence. Expert international Geopark Unesco

 

Comme pour l’objet culturel ou naturel, l’objet géologique est un élément de mémoire ; de la mémoire de la Terre.
La prise de conscience pour la protection des sites géologiques a été initiée vers 1978. En 1991, une étape fondamentale aboutissait à sa patrimonialisation avec l’adoption de la Déclaration internationale des droits de la mémoire de la Terre. Et, nourries des concepts sur la nouvelle muséologie développés par Georges-Henri Rivière, les réflexions sur ce nouveau patrimoine géologique ont aussi porté sur sa muséalisation.
Ainsi la protection in situ a été un concept de base du patrimoine géologique.
En effet, arraché de son contexte d’origine, celui-ci se retrouve isolé, porteur d’une simple information sur sa matérialité et coupé de son paléo-environnement dans lequel il trouve tout son sens.
Un des premiers musées de site fut construit, en 1980, sur la Réserve géologique de Haute Provence, pour protéger les restes d’un ichtyosaurien vieux de 175 millions d’années.
À partir de cette initiative, les expériences de protection in situ se sont multipliées dans le monde entier.
Or, avec un recul d’une trentaine d’années, l’analyse de ces musées de site montre que la roche ou le fossile, ainsi protégé des éléments climatiques et des possibles détériorations anthropiques, a quand même subi une altération voire une dégradation.
Ce constat doit nous conduire à de nouvelles interrogations liées à l’échelle de temps propre à ce patrimoine. La prolongation de la « durée de vie » d’un fossile protégé in situ sur une période de 100, 200 voire 500 ans est-elle réellement sémantiquement satisfaisante et cohérente ; quand la spécificité même de ce patrimoine nous permet de penser le temps en millions d’années ? •

Guy Martini est également membre du bureau Unesco-Global Geopark Network