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La Suède dispose d’une base de données naturalistes

 

Espaces naturels n°7 - juillet 2004

Vu ailleurs

Marc Lutz
Station biologique de la tour du Valat

 

En Suède, l’Agence pour la conservation de l’environnement s’est dotée d’une base de données naturalistes interactive, via Internet. Depuis 2001, tout un chacun peut donc se rendre sur le web pour renseigner la base en fonction de ses observations. En l’état, le modèle n’est pas transposable en France. Il donne néanmoins une idée de ce que pourrait être un observatoire naturaliste partagé et en temps réel. Visite sur site (web) !

Comment partager de manière efficace et rapide les données ornithologiques collectées sur le territoire suédois ? Comment être au courant des informations naturalistes les plus récentes ? Habité par ces questions, Johan Nilsson, lui-même ornithologue, imagine de développer une base de données sur le web que tout observateur pourrait renseigner. Dans un premier temps, il développe seul l’application puis, très vite, collabore avec le Club 3001. Mais le projet intéresse rapidement l’Agence suédoise pour la conservation de l’environnement. Johan Nilsson peut alors développer cette base dans le cadre de ses activités professionnelles et l’étendre aux plantes vasculaires, aux papillons et bientôt aux champignons.
Sur la base du volontariat
La base de données naturalistes interactive fonctionne sur un principe simple de volontariat et d’engagement des contributeurs : chaque observateur, à la simple condition de s’inscrire préalablement en ligne sur le site, peut alimenter la base de données par ses relevés. La connexion Internet permet alors de saisir ses propres remarques, suivant des champs d’entrées précis qui permettent non seulement de signaler et localiser les constatations par espèce et nombre d’individus, mais qui offrent également la possibilité de préciser le comportement des individus, ou encore leur sexe et âge. De fait, le gain de temps est considérable, puisque n’importe quel ornithologue ayant un téléphone portable équipé d’une connexion Internet peut transmettre ses relevés en temps réel, du terrain à la base de données. Le principe du bénévolat permet en outre de disposer gratuitement d’un réseau d’observateurs très large.
Par ailleurs, les contributeurs peuvent choisir de restreindre la diffusion de leurs informations aux seuls gestionnaires de la base et aux services de la conservation. C’est notamment le cas lorsqu’il s’agit d’espèces rares ou sensibles et qu’il n’est pas opportun de diffuser une information susceptible de mener au dérangement de l’espèce en question. Pour les observations plus banales, les données seront diffusées en temps réel en ligne sur le site.
Les données sont validées
a posteriori
L’originalité de cette base tient au fait que les données sont validées a posteriori par des comités d’homologation locaux, après que celles-ci aient été publiées en ligne. Ce système permet ainsi de collecter une masse considérable de données qui restent en libre accès et libre utilisation, au sein de laquelle les services de la conservation de l’environnement pourront puiser les informations nécessaires et utiles en termes de gestion. Depuis la mise en service du site en 2001, ce sont ainsi plus de trois millions de données qui ont été enregistrées sur les papillons, les champignons, les oiseaux et les plantes vasculaires. Depuis janvier 2004, il a été rentré plus de 55 000 données oiseaux, 56 000 données plantes vasculaires, 25 000 données papillons, 1 400 données champignons.
Toutes les données étant géoréférencées, la synthèse des observations est ensuite disponible sous forme cartographique à un degré de précision de l’ordre de cinq kilomètres, sur l’ensemble du territoire suédois. Chaque utilisateur peut ainsi interroger l’atlas naturaliste de Suède, et connaître les espèces présentes sur des sites de dimensions très réduites.
Évidemment, on peut se demander si un tel système, si largement ouvert, ne génère pas des observations douteuses, voire des fausses données. Selon Torsten Larsson, l’un des responsables de la base de données à l’Agence Nationale pour la conservation de l’environnement, les entrées délibérément loufoques ou fausses sont restées très rares, de l’ordre de deux à trois depuis le lancement de la base, et les observateurs suédois prennent leur contribution à l’alimentation de cette base de la façon la plus sérieuse.
Un modèle à suivre ?
Cette base a plusieurs buts : elle permet évidemment d’améliorer sensiblement les « chats » naturalistes via Internet, en restituant une synthèse cartographique très précise. Sur ce plan, elle se révèle comme un moyen d’information en temps réel pour tous les passionnés à la recherche d’observations intéressantes. Mais sa finalité, en matière de gestion est sans doute la plus importante puisqu’elle permet de réaliser à peu de frais des inventaires et synthèses naturalistes à l’échelle d’un pays. Ainsi, en Suède, cette base de données a été utilisée pour la désignation des sites Natura 2000 ainsi que pour l’ensemble du travail d’inventaire et d’évaluation du patrimoine naturel. L’Agence pour la conservation de l’environnement de Suède tente désormais d’étendre cette interface à la collecte des tableaux de chasse, en collaboration avec les associations de chasse suédoises. Bien entendu cet outil ne constitue pas une finalité et ne peut remplacer certains programmes ciblés sur des espèces et des sites mais sa contribution aux inventaires et à l’amélioration des connaissances naturalistes (sur la phénologie de migration par exemple) est évidente.
Ce concept innovant est pour l’instant limité à la Suède, où le taux d’utilisation des outils internet est bien plus élevé qu’en Europe du sud, la Suède et plus généralement la Scandinavie caracolant en tête des pays européens en termes d’accès et de pratique de l’Internet. Le principe de fonctionnement de la base permet également une conscientisation accrue des naturalistes puisqu’il fait des observateurs naturalistes des acteurs impliqués, dont les contributions pourront à tout moment être utilisées à des fins de conservation.
Ces nouveaux types d’outils, en plein développement, n’ont-ils pas un intérêt certain pour la conservation et la gestion des espèces sur notre territoire ? Les technologies de l’Internet permettent la collecte en continu d’un nombre impressionnant de données, autorisent la participation d’un large nombre d’acteurs, et offrent de ce fait une conception plus dynamique des suivis d’espèces. La Commission européenne est d’ores et déjà fortement intéressée par ce système, et souhaiterait voir étendre ce type d’outils à de nouveaux sites pilotes en Europe.
Si la mise en place d’un tel système en France relève effectivement du challenge, les gestionnaires d’espaces naturels, les services de l’État et l’ensemble des acteurs et utilisateurs des ressources naturelles ne gagneraient-ils pas à unir leurs forces pour mettre en place un système semblable ?