« La réglementation devenait un motif de révolte populaire »

 
la parole à Nicolas Maslach

Espaces naturels n°25 - janvier 2009

Aménagement - Gouvernance

Nicolas Maslach
Conservateur de la Réserve naturelle nationale de Saint-Martin depuis le 3 septembre 2001

 

Sept ans après votre arrivée sur l’île, quel bilan dressez-vous en matière de développement touristique durable ?
En 2001, ma volonté - puis celle de mon équipe - de faire respecter ce qui devait l’être a été très mal perçue. Mon arrivée en gênait plus d’un. Cette réserve naturelle nationale était rejetée par tous les gens qui en usaient et en abusaient, en pêchant des lambis ou des langoustes, brûlant le bois de mangrove pour le transformer en charbon ou gagnant du terrain « constructible » à l’aide de remblais sauvages sur les zones humides. Le constat fait, la réserve allait-elle permettre d’œuvrer enfin au service de la biodiversité ? Aujourd’hui, après un travail stratégique ardu, les élus, les opérateurs touristiques et la plupart des usagers sont conscients qu’elle possède une réelle utilité.
En quoi a consisté ce travail ?
Les deux premières années, la moindre action pour tenter de faire respecter la réglementation pouvait constituer un motif de révolte populaire contre la réserve naturelle. Mais, à force de réunions, de concertation, de sensibilisation, mais aussi de tension, sans faire de compromis et en gardant des propos constants, la réserve est plutôt respectée. Cela n’a pas été sans mal.
Au départ, certains élus avaient même des projets économiques au sein de la réserve qui n’avaient rien d’environnementaux. Il y a nécessairement des actions répressives, comme la destruction d’un bar de plage et de deux maisons particulières, construites en toute illégalité sur le domaine de la réserve naturelle.
Aujourd’hui, avec l’arrivée du Conservatoire du littoral à Saint-Martin, la position de la réserve se renforce encore.
Comment le Conservatoire du littoral s’est-il installé à Saint-Martin ?
L’association de gestion de la réserve étant ici la seule entité environnementale à tenter de faire respecter la réglementation, je souhaitais que le Conservatoire du littoral acquière les sites protégés ; trois ans auront été nécessaires pour voir le projet se concrétiser.
À l’époque, nous nous sommes appuyés sur les élus du conseil municipal pour que quatorze étangs de l’île, sur les seize existants, bénéficient d’un arrêté de biotope.
Aujourd’hui, le Conservatoire du littoral a acquis ces étangs de même que toutes les parties terrestres de la réserve naturelle. Il nous a remis ces sites en gestion, soit onze kilomètres linéaires de côtes. Grâce à ces affectations nous avons pu intervenir en 2007 sur l’îlet Pinel, où il existait des installations commerciales.
Ces actions ont abouti à la mise en place d’autorisations d’occupation temporaire (AOT) encadrées strictement, dans une logique d’exploitation et de développement durable. Une étude approfondie sur l’intégration du bâti et la mise en valeur des paysages est prévue sur l’ensemble de cet îlet1, situé au cœur de la réserve.
Ces AOT, assortis d’une redevance dont le montant a été fixé par les services de France Domaine, permettent une meilleure stabilité financière du gestionnaire et des moyens d’actions, sans précédent ces sept dernières années. Ainsi, la présence de ces exploitants permet à la Réserve naturelle de doubler sa capacité de personnel, d’être maître d’ouvrage sur des projets très concrets comme l’aménagement des sites du Conservatoire du littoral, la mise en place de bouées de balisage maritime…
La présence du Conservatoire a aussi joué en faveur de la mise en place de la taxe sur les passagers maritimes, qui oblige tous les opérateurs à reverser 1,52 euro par passager au profit du Conservatoire du littoral et de la réserve naturelle.
Cette taxe nous a permis de signer une charte avec les clubs de plongée. Les opérateurs étaient déjà très sensibilisés à la sauvegarde de leur outil de travail sous-marin, et tout à fait prêts à respecter le cadre que nous leur avons proposé, qui prévoyait aussi le paiement d’une redevance de 1,52 euro également par plongeur et par jour.
De quelle image bénéficie à présent la réserve naturelle à Saint-Martin ?
La réserve naturelle est présente dans la plupart des cellules de décision. Nous sommes représentés à l’Office du tourisme et au sein de l’Établissement public des eaux, nous sommes devenus antenne du Conservatoire du littoral, et avons été désignés comme membre du Conseil économique, social et culturel mis en place depuis l’avènement de la collectivité d’outre-mer (COM), le 15 juillet 2007.
Aujourd’hui, la réserve naturelle est intégrée et reconnue par les principaux acteurs de la COM, qui s’inscrivent dans une logique de développement durable pour leur île.
Les gens qui tiraient leurs revenus de l’exploitation des sites continuent de regretter le passé, mais la majorité de la population est favorable à la réserve. Dès qu’une atteinte à l’environnement survient, où que ce soit, les gens font appel au personnel de la réserve.
Quel sera votre prochain chantier ?
Notre changement de statut d’abord : la Réserve naturelle de Saint-Martin fonctionne depuis le départ sous forme d’association de gestion, et nous réfléchissons à la mise en place d’une structure juridique plus adaptée, qui nous permettrait de gérer la compétence de l’environnement dans son intégralité.
Ensuite, la réalisation de la maison de la réserve qui sera un outil déterminant pour l’accueil et la sensibilisation du public, et la matérialisation concrète de notre existence sur le territoire.

Recueilli par Brigitte Delaître

1. Hameau.