Renaturer ! Pas reverdir…
Espaces naturels n°11 - juillet 2005
Laurent Spychala
Conservatoire des sites naturels du Nord et du Pas-de-Calais
« Reconquérir des espaces délaissés après avoir été utilisés, modifiés, dégradés par une activité humaine, afin de les mettre à disposition de la faune et de la flore sauvages »… telle est la définition de la renaturation développée par une quarantaine d’acteurs de la région Nord-Pas-de-Calais. Marquée par un passé industriel et minier, cette région qui détient environ 50 % des friches industrielles françaises s’est lancée à la reconquête écologique des sites délaissés. Une opportunité pour la préservation des espèces et des habitats !
La requalification des anciens espaces d’activité est un enjeu. Généralement, les projets sont envisagés sous les angles de la sécurisation et de la remise en état paysagère imposées par la réglementation. Ils visent à effacer toute trace de l’activité, à gommer les cicatrices et les points noirs de l’environnement qui figent l’identité d’un territoire dans une vision passéiste,
polluée… Pour faire propre et vert…
Pourtant, les caractéristiques offertes par ce type d’espaces perturbés puis délaissés (qualité du sol, tranquillité…) peuvent être à l’origine de potentialités écologiques répondant aux exigences de nombreuses espèces. Certaines, rares voire menacées, peuvent même y trouver des espaces de vie compensant la disparition de leurs biotopes naturels, à condition que les travaux de requalification en tiennent compte.
Dans le Nord-Pas-de-Calais, la renaturation est une démarche de projet qui s’est développée au fur et à mesure des expériences. Elle s’inscrit dans une logique de préservation de la diversité biologique et apparaît comme une solution permettant d’amoindrir les impacts liés à la dégradation d’un réseau de sites naturels et de soutenir la volonté de reconquête du maillage écologique régional.
C’est un mélange subtil d’introduction, de réintroduction et d’évolution naturelle qui vise la création d’espaces naturels et non de « déserts verts ». Objectif : identifier les enjeux patrimoniaux au regard de ce qui existe et ne pas chercher à adapter un projet préconçu, autrement dit accompagner la nature au lieu de faire à sa place.
Les exemples sont nombreux. Ils intéressent les terrils miniers, de cendres ou de scories, divers bassins de décantation, des voies de circulation, des carrières en eau ou à sec, des espaces agricoles…
De façon générale, si l’introduction de végétaux peut s’avérer nécessaire pour des questions de sécurité (stabilisation de berges ou de pentes) ou écologiques (secteurs sensibles à la colonisation d’espèces invasives) ; ou encore pour des raisons liées à l’accueil du public (contrôle des cheminements, zones d’aménités), il faut garder à l’esprit le risque tant génétique que structurel que courent les écosystèmes.
Il faut donc favoriser les écotypes locaux, par la récolte de plants ou de graines à proximité immédiate du site ou s’approvisionner chez un fournisseur proposant des plantes d’origine indigène contrôlée.
L’apport de terres arables et de cultivars non adaptés sont des procédés qui entraînent un appauvrissement de la biodiversité ainsi qu’un surcoût de gestion important à long terme ; contrairement au maintien de substrats pauvres et au développement d’une flore adaptée. En outre, le transport accidentel d’espèces invasives dans les terres de remblai, rarement contrôlées, et leur introduction pour raisons horticoles sont les principales causes de leur dissémination.
Toutefois, le fait de laisser s’opérer une végétalisation spontanée sur un site est loin d’être évident pour l’ensemble des acteurs locaux qui ne voient pas de changements rapides. La communication est alors un élément capital pour permettre l’appropriation du projet par tous et en assurer la pérennité. Entre le « beau et propre » et l’écologiquement remarquable, c’est principalement notre perception de la nature qu’il convient de modifier.