Méditerranée

Les sites Ramsar assurent leur rôle de protection quand ils sont gérés

 

Espaces naturels n°43 - juillet 2013

Vu ailleurs

Nastassja Korichi
Stagiaire Tour du Valat, Observatoire des zones humides méditerranéennes. Master 2 MNHN et UPMC
Camille Treilhes
Stagiaire Tour du Valat, Observatoire des zones humides méditerranéennes. Master 2 MNHN et UPMC
 

Au-delà du statut de protection, les moyens de gestion déployés dans les sites Ramsar d’importance internationale sont-ils vraiment efficaces ? L’étude menée en 2012 révèle un bilan globalement positif à conditions de déployer une gestion de terrain adaptée.

La protection « sites Ramsar d’importance internationale »  est-elle vraiment efficace ?
Quarante ans après l’adoption de la convention en faveur des zones humides d’importance internationale, l’Observatoire des zones humides méditerranéennes a voulu répondre à cette question et pour cela connaître l’état de conservation des sites Ramsar méditerranéens.
L’étude visait également à évaluer l’impact de la mise en protection sur les populations d’oiseaux d’eau hivernants.
Cette évaluation a pris en compte les efforts de protection et de gestion au niveau local, ainsi que la pertinence des choix de conservation pour la biodiversité associée à ces milieux.

Indicateurs. Deux indicateurs quantitatifs ont été utilisés. D’une part l’indice Planète vivante (IPV), développé par le World Wildlife Fund (WWF). Celui-ci a permis de mesurer la tendance des populations d’oiseaux d’eau hivernants sur les sites Ramsar pour la période 1971-2008. D’autre part, la Liste rouge mondiale des espèces menacées d’extinction créée par l’UICN. Elle devait permettre d’évaluer la pertinence des choix de conservation vis-à-vis de la biodiversité associée aux zones humides.
Deux autres indicateurs, qualitatifs, étaient retenus. Le premier était basé sur le niveau de protection et de gestion de chaque site. Le second prenait en compte le type de zone humide. Il s’agissait d’appréhender l’influence des habitats sur la désignation d’un site Ramsar.

Bilan positif mais… L’indice Planète vivante, appliqué aux sites Ramsar méditerranéens depuis 1971, permet de recenser une nette augmentation des populations d’oiseaux d’eau hivernants. En effet, depuis cette date, année de l’adoption de la convention, celles-ci ont presque doublé.
Depuis longtemps cibles d’une chasse irraisonnée pour certains (canards, limicoles) et de campagnes d’éradication pour d’autres (hérons, cormorans, pélicans), les effectifs de beaucoup d’oiseaux d’eau étaient au plus bas lors de l’avènement de la convention.
Quarante ans plus tard, un renversement de tendance conduit à­­ un bilan positif. Cette constatation encourage les désignations de sites sur les zones humides capitales pour les haltes migratoires.
Cependant, la mise en protection légale ne suffit pas à améliorer l’état de conservation d’un espace naturel. Pour y parvenir, la mise en œuvre effective d’un plan de gestion assorti de mesures conservatoires visant une amélioration de l’état écologique du site s’avère nécessaire.
Il n’a pas été possible en effet de mettre en évidence l’impact positif du seul statut de protection sur les tendances démographiques des populations d’oiseaux d’eau. En revanche, on a pu démontrer que les sites Ramsar bénéficiant de mesures de conservation, à savoir la mise en application d’un plan de gestion, voient, eux, leurs populations d’oiseaux en plus forte croissance que les sites qui en sont dépourvus.
Cette constatation devrait conduire à un changement de politique. Quitte à nous répéter : la mise en œuvre de plans de gestion, dont seulement 40 % des sites Ramsar méditerranéens jouissent, est un impératif. Aujourd’hui, 40 % des lagunes ne bénéficient d’aucune protection nationale, et plus de 80 % des estuaires ne sont pas gérés.

Rectifier le tir. Une protection passive ne suffit donc pas. Face à ce constat, l’étude apporte une aide sur le choix des habitats à gérer.
Elle met en avant la nécessité de promouvoir prioritairement l’inscription de types de zones humides très largement sous-représentés ou appartenant aux habitats les plus menacés tels les mares, marais, cours d’eau, zones humides artificielles (rizières), etc.
À ce jour, la désignation en site Ramsar est très orientée vers la conservation de milieux abritant des concentrations importantes d’oiseaux, tels les plans d’eau. Or, bien que les cours d’eau, mares et marais soient relativement bien représentés, aucune tendance ne se dégage quant à leur désignation. Ils bénéficient du statut Ramsar parce qu’ils sont associés à d’autres habitats ciblés, comme les plans d’eau, plutôt que par une volonté réelle de préservation de ces milieux.
À l’inverse, les tourbières, faiblement représentées au sein des sites Ramsar, ont bénéficié d’une attention récente.
Ainsi, malgré quelques efforts de désignation, les choix se font en défaveur de certains types d’habitats. Ceux-ci, accueillant moins d’oiseaux, apparaissent toutefois d’une importance critique pour les groupes taxonomiques à fort taux d’endémisme et largement menacés, tels que les poissons et les mollusques.
Les cours d’eau hébergent par exemple près de 24  % des espèces animales et végétales menacées à l’échelle mondiale. Pour que ces désignations soient suivies d’effets positifs en termes d’amélioration de l’état écologique des zones humides, il s’agit de veiller à la mise en place – urgente – d’une gestion effective et concrète avec une prise en compte de la biodiversité associée à ces milieux. •