Tourbières du monde

 

Espaces naturels n°11 - juillet 2005

Vu ailleurs

 

 

 

 

 

Au sein du Groupe international pour la conservation des tourbières, des scientifiques agissent et tentent d’intervenir auprès des pouvoirs publics. Mais la réalité sociale, économique et politique de chaque pays est différente et les priorités ne s’expriment pas dans les mêmes termes. Paroles d’acteurs…

Terre de Feu
>>> Mél : iturraspe@tdfuego.com
Le niveau de chômage est un facteur aggravant
De vastes tourbières vierges s’étendent en Terre de Feu. Le grand public et spécialement les responsables politiques n’ont qu’une conscience très limitée de leur valeur environnementale. Les questions les plus fréquemment posées sont davantage « comment les utiliser ? » que « comment les protéger ? ».
Le niveau de chômage est d’ailleurs un facteur aggravant pour l’exploitation des ressources naturelles qui affecte les tourbières et les forêts. La situation est préoccupante car l’extraction de tourbe s’est développée ces dernières années, facilitée par la loi sur les mines. Cette activité est menée par des particuliers n’ayant fréquemment aucune expérience et utilisant des méthodes artisanales.
En outre, excepté en quelques zones, les tourbières ne sont pas bien connues, c’est le cas dans la province de Tierra del Fuego. Il faut dire que la plupart sont situées dans la partie est de l’île, une zone inhabitée et difficile d’accès.
Une évaluation récente chiffre leur étendue à 3 000 km2.
La zone centrale de la Terre de Feu abrite des tourbières à laîches ; les tourbières ombrogènes à Sphagnum magellanicum sont fréquentes dans les vallées de montagnes (du sud) et différents types de tourbières sont présentes dans l’est.
Rodolfo J. Iturraspe
Membre du Bureau de l'IMCG
Adriana B. Urciuolo
Directeur de l'Agence des ressources aquatiques de la Terre de Feu

Norvège
>>> Mél : asbjorn.moen@vm.ntnu.no
Les protections sont encore insuffisantes
Le pays a conscience de l’intérêt de ces milieux puisque 12,1 % des tourbières de Norvège sont protégées par des Réserves naturelles, Parcs nationaux ou paysages protégés. Le Plan national pour les tourbières comprend 278 sites (554 km2). D’autres tourbières sont également protégées dans des Réserves de zones humides, des Parcs nationaux…
Une liste rouge nationale définit des protections pour trois groupes de végétation tourbeuse et trois types principaux de tourbières ombrotrophes. Cependant, les sites protégés sont souvent localisés sur les reliefs, tandis que les tourbières de basse altitude du sud et de l’ouest sont les plus menacées.
Certes, des travaux de restauration sont menés dans quelques Réserves mais la majorité de ces Réserves n’ont toujours pas de plan de gestion.
Initialement, les tourbières de Norvège s’étendaient sur 21 000 km2 sous la limite des forêts et 9 000 km 2 dans les zones alpines. Hélas, ces dernières décennies, plus de 30 % ont été drainées. Ainsi, dans les années 70, ce sont près de 100 km2 qui furent drainés chaque année à des fins sylvicoles. Le drainage s’est bien ralenti ces dernières années, mais l’agriculture et la sylviculture représentent toujours les principales menaces.
Asbjorn Moen
Norwegian university of science and technology

Allemagne
>>> Mél : lebrecht.jeschke@t-online.de
Toutes les tourbières
sont protégées mais…
En Allemagne, d’une façon ou d’une autre, toutes les tourbières sont protégées, même si très peu sont encore en activité (1 %).
Cependant, pour ces milieux fragiles, ce sont la poursuite des drainages et l’eutrophisation qui constituent les principaux dangers. Nombre des tourbières ont été détruites, car exploitées pour extraire des supports de culture. L’exploitation agricole intense et continue des grandes tourbières basses est d’ailleurs tout aussi destructrice.
Il y a aussi des cas particulièrement cruciaux comme celui de Mecklembourg-Poméranie occidentale. 40 000 ha de tourbières se situent plus bas que le niveau de la mer. Récemment, 1 000 ha ont perdu leur usage antérieur et ces tourbières ont été ennoyées. Nous ne savons pas quel laps de temps sera nécessaire pour que des systèmes d’accumulation de tourbe s’y restaurent.
De même, nous recherchons des formes alternatives à l’utilisation des tourbières.
Les tourbières les mieux conservées se trouvent dans les Alpes et les Préalpes.
A contrario, les grandes tourbières bombées qui existaient dans la plaine n’ont pas échappé à l’assèchement.
Les tentatives de réhabilitation des tourbières autrefois asséchées et qui ne sont plus utilisées, se multiplient.
Lebrecht Jeschke
Scientifique indépendant

Lettonie
>>> Mél : mara@lanet.lv
Il faut un inventaire national
En Lettonie, les tourbières couvrent 4,9 % du territoire. La moitié est relativement épargnée par les activités humaines, tandis que l’autre moitié a été touchée par le drainage, particulièrement intensif de 1960 à 1980. Aujourd’hui, l’exportation de la tourbe se poursuit vers d’autres pays européens. Les tourbières sont également menacées par le développement des activités de loisirs. Les feux allumés par mégarde ou le piétinement ont des conséquences funestes.
La Lettonie se préoccupe bien sûr de ses tourbières. En 2003, elle a élaboré un Plan de gestion des habitats tourbeux. Actuellement, il existe six programmes Life, incluant des actions de conservation ou de gestion des tourbières. Il faudrait cependant aller plus loin et prévoir un inventaire national en vue de la conservation de la biodiversité. En effet, le dernier inventaire couvrait 159 tourbières parmi les plus importantes, alors qu’il en existe plus de 6 000 en Lettonie. Des recherches liées au fonctionnement hydrologique, à la paléobotanique et à la végétation seraient également nécessaires.
Mara Pakalne - University of Latvia - Kronvalda
Blvd. 4 LV-1010 Riga, Latvia