RHÔNE-ALPES

ADN environnemental : l’apron à la pointe des recherches

 
Méthodes - Techniques

Marianne Georget
Cen Rhône-Alpes

L’utilisation de l’ADN environnemental pour percer les énigmes de la faune : une méthode prometteuse, en plein essor. Serait-ce la solution pour détecter de faibles densités de population sans perturber le milieu ? Exemple à travers les expérimentations menées sur l’apron du Rhône.

Plusieurs expérimentations ayant recours à l’ADN environnemental sont en cours au Conservatoire d’espaces naturels de Rhône-Alpes. Détecter la présence d’aprons et reconstituer leurs repas avec un simple prélèvement d’eau : ce sera bientôt possible grâce à des analyses génétiques. Ce petit poisson endémique du bassin rhodanien fait en effet l’objet d’un plan national d’action. Il a été déclaré « en danger critique d’extinction » car il n’occupe plus qu’environ 10 % de son linéaire historique présumé. Parmi les causes de sa disparition, fi gurent notamment le manque de connaissances sur cette espèce très discrète, sa biologie et ses comportements.

DÉTECTER LA PRÉSENCE D’APRONS...

Le principe : les animaux aquatiques laissent, au cours de leurs activités,  des traces, c’est-à-dire de l’ADN provenant du mucus, des fèces ou des urines. En identifi ant un fragment d’ADN mitochondrial spécifi que de l’apron, on peut ensuite en révéler la présence dans un prélèvement d’eau. L’intérêt : mettre au point une méthode non invasive pour le milieu et capable de déceler les faibles densités de populations qui échappent aux prospections traditionnelles.

 

En 2012 et 2013, le laboratoire Spygen a expérimenté la détection par l’ADN environnemental avec des aprons encagés issus de reproduction artificielle. Des tests ont  été effectués sur un ruisseau et sur un cours d’eau de calibre moyen (la Leysse en Savoie), avec plusieurs densités d’aprons. Les analyses d’eau prélevée à différents moments et distances de la cage ont confirmé la pertinence de la méthode pour détecter l’apron. Ces expérimentations vont permettre de proposer un protocole d’échantillonnage adapté à l’espèce et au milieu (volume d’eau à prélever, période de prélèvement, distance entre prélèvements, etc.). En 2014, l’optimisation de la méthode d’échantillonnage sera poursuivie.
La technique est prometteuse, et apparaît d’autant plus pertinente que l’espèce est discrète et les milieux diffi ciles à prospecter : petit poisson solitaire et en faibles effectifs, l’apron vit la nuit, dans les zones de fond. Pour le rechercher, il faut donc mener des prospections nocturnes à la lampe, ou effectuer une pêche électrique. Les méthodes classiques d’inventaire sont donc complexes à mettre en oeuvre. Elles supposent des moyens humains conséquents et atteignent leurs limites sur certains cours d’eau, en raison de la turbidité et de la profondeur. Du point de vue des coûts, il n’y a pas d’évaluation complète réalisée à ce jour et chaque étude est un cas particulier, mais la simplicité de la mise en oeuvre sur le terrain confère un avantage certain à la méthode de l’ADN environnemental qui pourrait ainsi compléter le panel des techniques d’inventaires pour une meilleure effi cacité dans la préservation d’espèces patrimoniales.

... ET RECONSTITUER LEURS REPAS

Les chercheurs espèrent également, grâce à l’ADN environnemental, reconstituer les repas de l’apron. Mise au point par l’université d’Aix-Marseille, la méthode du «barcoding alimentaire» permet d’isoler et identifi er les proies ingérées, sans tuer l’individu, à partir des excréments des poissons. Pour être fi able, cette méthode doit se baser sur une connaissance fi ne des espèces de proies potentielles dans la rivière. Une étude est donc engagée sur les aires de présence de l’espèce à l’échelle du bassin rhodanien.

 

Des fèces sont prélevées sur des aprons par légère pression abdominale, pour en extraire et analyser l’ADN tandis qu’un référentiel ADN incluant l’ensemble des proies potentielles, exclusivement des invertébrés, est en  cours d’élaboration. Parallèlement, un suivi des communautés d’invertébrés sera mis en place afin d’en évaluer la variabilité et la disponibilité.
L’objectif ? Mieux connaître les milieux de vie de l’apron et expliquer les variations géographiques de ses populations (plus ou moins forte densité). D’éventuels dysfonctionnements au niveau des cours d’eau pourront ainsi être repérés, ce qui permettra de mieux cerner les actions à entreprendre pour y remédier. Enquête à  suivre !

 

EN SAVOIR PLUS
L’apron du Rhône (Zingel asper) est un poisson d’eau douce de la famille des percidés. Il est endémique du bassin Rhône-Méditerranée.
www.aprondurhone.fr