CONFLIT D’INTERÊTS :
Beau
Parler du beau à propos de la nature serait le comble de l’anthropomorphisme. Ainsi, la définition que Kant en donne : « Est beau, ce qui plaît universellement sans concept. » Si le beau plaît, alors il faut bien qu’il y ait quelqu’un à qui cela fasse plaisir. C’est une propriété subjective. Et si le beau signifi ait au contraire l’absence d’anthropomorphisme, son retrait ? Car que signifions-nous quand nous disons d’une chose qu’elle est belle, sinon qu’elle se déploie pour elle-même et par elle-même, sans avoir besoin de nous ? Est beau, ce qui se montre et s’affi rme sans autre raison que d’être soi.
Le plus naturel dans la nature est sa beauté. Non point que nous la trouvions belle parce qu’elle répondrait à certains critères, ou parce qu’elle nous donnerait satisfaction, mais parce qu’il faut bien donner un nom à ce fait : de même que, dit Maître Eckhart, « Celui qui interrogerait la vie pendant mille ans : ‘‘Pourquoi vis-tu ?’’, si elle pouvait répondre elle ne dirait pas autre chose que ceci : ‘‘Je vis parce que je vis’’ », à qui interrogerait la libellule pendant mille ans : « Mais pourquoi es-tu faite ainsi ? » elle répondrait : « Je suis faite ainsi parce que je suis faite ainsi. »