Comment la fonction publique passe du CDD au CDI
Espaces naturels n°14 - avril 2006
Pierre Yves Blanchard
Centre de gestion de la grande couronne
Transposant une directive européenne en droit français, la loi du 26 juillet 20051 réintroduit le contrat à durée indéterminée pour les contractuels de la fonction publique. En effet, le droit communautaire2 engage les États à limiter l’utilisation de contrats à durée déterminée pour des fonctions régulières et durables.
Après six années, le CDD se transforme en CDI
Sur le principe, rien de changé. Le recrutement de non-titulaires sur des emplois permanents doit toujours s’effectuer par CDD de trois ans maximum3. En revanche, la reconduction tacite et illimitée du contrat est dorénavant impossible. Chaque renouvellement doit faire l’objet d’une décision expresse, et la durée cumulée des CDD ne peut dépasser six ans. Au-delà, toute nouvelle décision de reconduction transforme obligatoirement le CDD en CDI.
Comme le souligne la notion de reconduction expresse, l’employeur demeure libre de sa décision de renouveler ou non.
Ces mesures s’appliquent aux contrats nouveaux mais également aux contrats en cours à la date de publication de la loi. Trois situations sont envisagées :
- les agents qui étaient déjà en fonction de manière continue depuis plus de six années au 27 juillet 2005. Dans leur cas, toute décision expresse de renouvellement implique la transformation du CDD en contrat à durée indéterminée ;
- les agents en fonction, ou en congé (rémunéré ou non), depuis moins de six ans au 27 juillet 2005. Leurs CDD peuvent être renouvelés conformément aux différentes possibilités offertes par la loi. Ceci dans
la limite d’une durée totale de six années. Au-delà, le CDD se transforme en CDI ;
- enfin, une protection particulière est offerte aux agents âgés de plus de 50 ans au 1er juin 2004, ou qui le seront au terme de leur CDD. Leur contrat se transforme de plein droit en CDI à compter du 27 juillet 2005, sous condition qu’ils justifient de six années de services effectifs au cours des huit dernières années.
Tous les contrats
ne sont pas concernés
La transformation du CDD en CDI ne s’applique pas à tous les cas de recrutements d’agents contractuels. La loi vise uniquement :
- les recrutements effectués lorsqu’il n’existe pas de corps4 ou cadres d’emplois5 de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ;
- les emplois du niveau de la catégorie A qui peuvent être recrutés par contrat lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient ;
- les contrats de niveau A, B ou C pour des temps incomplets inférieurs au mi-temps (17 h 30), dans les communes de moins de mille habitants uniquement.
Le CDI ne s’applique donc ni au renouvellement des contrats à caractère temporaire (remplacements) ni au renouvellement des contrats d’un an souscrits lorsqu’il est impossible de recruter un titulaire6. Les contrats de formation, d’apprentissage ou d’insertion par l’économique sont également exclus.
Les limites d’un dispositif controversé
L’introduction du CDI dans la fonction publique efface le privilège de pérennité qui distinguait titulaires et non-titulaires. La mesure inquiète les organisations de fonctionnaires. Elles y voient une possible mise en cause du recrutement par concours. Pourtant, dans la pratique, les règles de recrutement des très nombreux fonctionnaires de catégories B et C demeurent inchangées et seule une partie des catégories A est véritablement concernée.
Limitée dans son champ d’application, la loi l’est aussi dans son contenu. Elle demeure muette sur l’éventualité d’une progression de carrière pour les agents éligibles au CDI. Elle limite le calcul des six années d’ancienneté aux contrats conclus avec un seul et même employeur public. Elle laisse assez largement ouvertes les possibilités de rupture pour des raisons liées au fonctionnement même du service public. Certes, le CDI apporte un peu de pérennité aux engagements contractuels. Mais il n’entre pas en concurrence avec la logique de carrière des agents titulaires.
1. Loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005
(JO du 27 juillet).
2. Il s’agit principalement de la directive du 28 juin 1999 n° 1999/70/CEE.
3. Article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 (fonction publique de l’État). Article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 (fonction publique territoriale).
4. Fonction publique de l’État.
5. Fonction publique territoriale.
6. Alinéas 1 et 2, article 3, de la loi du 26 janvier 1984.