Massifs des bauges et de chartreuse

Corridors biologiques : leçons d’une mise en œuvre

 

Espaces naturels n°43 - juillet 2013

Aménagement - Gouvernance

Xavier Gayte
Ancien directeur du Conservatoire du patrimoine naturel de la Savoie

 

Entre le massif des Bauges et celui de Chartreuse, deux contrats de corridors biologiques ont été mis en œuvre. Les principes de départ liés à la gouvernance et au financement des mesures se sont diversement révélés payants.

Lors de l’élaboration des deux premiers contrats de corridors biologiques de la Cluse de Chambéry en Savoie, les acteurs en place (conservatoires, collectivités, associations) n’avaient évidemment pas de recul sur cette nouvelle procédure régionale… il leur fallut faire des choix, prendre des orientations, assumer des partis pris.
Après quatre ans de travail, peut-on dire que ces choix étaient les bons ? Retour d’expérience…

Oui. Pour rendre crédible la démarche auprès des acteurs, parlons à deux voix !
Parler de « corridors écologiques », de « maintien des connexions biologiques », de « transparence d’ouvrages » à des interlocuteurs aussi divers que des collectivités, des associations, des chambres consulaires demandait que le discours soit crédible. Si le conservatoire d’espaces naturels de Savoie pouvait avoir ce crédit auprès des partenaires institutionnels (conseil régional, général, Dreal) ou des associations, cela était beaucoup moins vrai pour les collectivités locales ou les chambres consulaires pour qui la préservation de la biodiversité n’était logiquement pas une préoccupation majeure.
L’idée d’un attelage à deux têtes, une association départementale (le conservatoire d’espaces naturels) et une collectivité locale (le syndicat mixte du Scot, connu et légitime en termes de planification territoriale), a mis longtemps à s’imposer.
Beaucoup d’explications ont été nécessaires pour rassurer : oui, deux structures aussi éloignées l’une de l’autre peuvent travailler ensemble. Non, les deux parcs naturels régionaux voisins ne sont pas plus légitimes pour porter la démarche. Non, les contrats de corridors ne sont pas des « trucs d’écolos » mais de véritables outils pour accompagner la politique d’aménagement du territoire.
Quatre ans après le démarrage de ce travail, cet attelage était-il le bon ? La réponse est incontestablement oui. Force est de constater que la connexion s’est faite entre les deux structures. Le pilotage à deux têtes peut présenter bien des difficultés (qui est le chef ? qui déclenche ? qui arbitre ?), mais elles ont rapidement été surmontées, au fur et à mesure de la mise en œuvre opérationnelle du programme. Au syndicat mixte, le pilotage politique ; au conservatoire, la technique. La répartition des rôles est simple mais efficace !

Non. Optimisons les bonus financiers pour rendre les actions attractives.
Une des plus grandes frustrations des porteurs de démarches territoriales est certainement de mettre en place des outils que les acteurs n’utilisent pas.
En animateurs aguerris, les partenaires techniques (conservatoire et syndicat mixte) et financiers (conseil régional, Union européenne) ont donc essayé de mettre en place des dispositifs financiers optimaux. Ainsi, qu’il s’agisse des taux ou des assiettes éligibles, de véritables nouveaux outils ont été mis en place dans le cadre des deux contrats. Le plus emblématique concerne certainement les agriculteurs. En effet, afin d’inciter les exploitants situés à l’intérieur du corridor biologique à conserver des prairies naturelles (denrées rares dans les espaces périurbains !), le conseil régional a mis en place une aide exceptionnelle en complément du Feader.
Une mesure Prairies fleuries, bien connue des parcs naturels régionaux, a ainsi été proposée aux agriculteurs à des montants bien supérieurs (176 €/ha/an) à la prime à l’herbe.
Ce dispositif était-il le bon ? Quatre ans après le démarrage de ce programme, la réponse, cette fois, est plutôt négative : peu de contractualisations ont vu le jour.
La complexité de la démarche administrative au moment des déclarations Pac, le fait de ne proposer cette mesure que sur les parcelles dans le corridor et pas ailleurs, l’amalgame entre maintien des connexions biologiques et déplacement des loups (grâce aux corridors), ont eu raison de cette mesure idéale sur le papier.
Malgré une animation de terrain menée par la chambre d’agriculture, le levier financier mis en place dans ce dispositif n’a pas fonctionné. Contraintes administratives excessives, mauvais diagnostic initial, évolution des attentes des agriculteurs… peuvent expliquer cet échec, riche d’enseignements pour les contrats qui ont suivi en région Rhône-Alpes.
La magie de ce type de démarche est qu’elle apporte toujours des surprises (bonnes dans le premier cas, mauvaises dans le second) ; c’est le prix à payer, principe même de l’innovation, les contrats de corridors en sont un excellent exemple ! •