L’environnement en sursis
Espaces naturels n°11 - juillet 2005
Éléonore Béchaux
Fédération des Parcs naturels régionaux
En avril dernier, Espaces naturels présentait les nouveautés de la Politique agricole commune et, notamment, son « premier pilier » : l’organisation des marchés. Le « second pilier », relatif au développement rural, est tout autant réformé et tente de prendre en compte l’environnement. Il sera mis en œuvre par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Par ailleurs, le développement rural ne peut être abordé sans faire le lien avec la politique de cohésion économique et sociale européenne menée par le biais du Fonds social européen (FSE) et du Fonds européen de développement régional (Feder), tous deux également en cours de réforme.
En juillet 2004, la Commission européenne adoptait une proposition visant à renforcer la politique de développement rural de l’Union et à en simplifier considérablement la mise en œuvre. Elle fait écho à la demande sociale qui privilégie l’environnement, la sécurité et la qualité des aliments.
Pour ce faire, la proposition prévoit un financement communautaire accru (12,7 milliards d’euros par an pour la période 2007-2013) et se limite à un seul instrument de financement et de programmation : le Feader. La nouvelle politique devrait ainsi être beaucoup plus simple à programmer, gérer, contrôler. Les États membres et les Régions pourront plus librement choisir les modalités de mise en œuvre des programmes.
Les mesures proposées pour leur mise en œuvre poursuivent trois objectifs et sont regroupées en quatre axes (trois axes thématiques, un méthodologique).
• Axe 1 : amélioration de la compétitivité des secteurs agricole et forestier (15 %1) : quinze mesures. Elles portent sur l’amélioration et le développement des infrastructures, le soutien des agriculteurs participant à des programmes d’amélioration de la qualité des aliments, l’installation des jeunes agriculteurs…
• Axe 2 : aménagement de l’espace (25 %) : douze mesures. Elles portent sur les indemnités versées aux agriculteurs et les critères de zonage en compensation de handicaps naturels, les paiements au titre de Natura 2000, les mesures agro-environnementales, les indemnités pour le bien-être des animaux…
• Axe 3 : diversification de l’économie rurale et qualité de vie (15 %) : huit mesures. Elles portent sur la diversification vers des activités non agricoles, l’aide à la création de micro-entreprises, le tourisme, la rénovation de villages…
• Axe Leader : (7 %) il reprend la démarche territoriale testée dans Leader +. À appliquer sur les trois premiers axes.
Dans le Feader (axe 2), la Commission propose donc de revoir le zonage des Indemnités compensatoires de handicaps naturels2 (ICHN). Elle souhaite que les États-membres redéfinissent les zones défavorisées simples. Le projet de règlement ne modifie pas les critères actuels liés à la montagne ou la pente, il maintient la possibilité de classer 10 % de son territoire en zones à handicaps spécifiques. En revanche, il modifie les critères des zones défavorisées simples en ne retenant que des critères physiques permanents et n’intègre plus aucun critère socio-économique comme c’était le cas jusqu’à présent. Ainsi deux tiers des agriculteurs français actuellement concernés pourraient en être exclus. Concernant le financement de Natura 2000, les contrats seront financés, d’une part, par l’Indemnité compensatrice de contrainte environnementale (ICCE) et des mesures spécifiques du Feader pour les zones agricoles et la forêt. En ce qui concerne les zones non agricoles et non forestières, une récente proposition de la Commission permettrait de financer Natura 2000 par un soutien aux investissements non productifs, ce qui ne couvre pas l’ensemble de la gestion des sites, notamment l’animation.
Inquiétudes…
Ces propositions restent conditionnées à plusieurs inconnues. Globalement, les enjeux du développement rural et de l’environnement sont menacés, et ce à plusieurs titres :
- il s’agit notamment au niveau communautaire de l’absence de vision claire des perspectives budgétaires. En effet, la contribution de chaque État-membre n’est pas fixée (certains pays, dont la France, demandent un taux de 1 % du Revenu national brut européen). En fonction du budget, le développement rural et l’environnement risquent d’être les variables d’ajustement des réformes ;
- il existe également des zones d’ombre sur le taux de financement par axe du Feader, les axes 3 et 4 risquent d’être réduits ;
- autre inquiétude, relevant du niveau français : la traduction française des fonds Feader, Feder et FSE en documents stratégiques nationaux risque de les spécialiser par secteurs : le Feader pourrait
se concentrer en priorité sur les enjeux agricoles tandis que le Feder et le FSE seraient sur les enjeux urbains.
Par ailleurs, l’Union européenne laisse le choix aux États-membres du niveau de programmation du Feader : il peut être national ou régional. À ce jour, la France n’a pas encore tranché ce débat. Cette décision ne sera pas sans conséquence sur les priorités et les modalités de mise en œuvre de cette politique.