L’équilibre est dynamique

 
Édito

François Letourneux
Président du conseil d’orientation de l’Aten

Notre métier ne consiste pas à préserver, comme s’il était immuable, un équilibre stable de la nature. Longtemps, parce que les mécanismes de l’évolution sont lents, imperceptibles à l’échelle d’une vie humaine, nous avons pu croire à cette stabilité apparente. Les écologues nous parlaient du retour à l’état climacique des milieux. Les moralistes nous invitaient à ne pas troubler l’harmonie du monde vivant.

Nous avons pris conscience que cette vision fixiste du monde est fausse. L’équilibre de la nature est un équilibre en mouvement, comme celui du cycliste ou du nageur. Il nous faut continuer de faire évoluer les objectifs, les moyens, les outils que nous mettons en place dans les espaces naturels pour tenir compte de cette réalité. C’est un enjeu d’autant plus fort que le changement climatique accélère ces mouvements, nous oblige à renforcer notre capacité à en observer, à en prévoir les effets, nous incite à concevoir des règles révisables, des stratégies fréquemment redéfinies, des plans de gestion évolutifs.

Et, puisque l’équilibre du monde vivant est dynamique, nous avons une raison de plus de passer à l’offensive. Beaucoup de nos actions sont défensives : nous cherchons à éviter des disparitions d’espèces, à préserver des espaces encore riches de biodiversité, à maintenir les éléments encore viables des réseaux de connectivité écologique. C’est essentiel, c’est indispensable, car les disparitions sont définitives, les pertes souvent irréparables. Mais c’est un peu défaitiste. Nous pouvons aussi développer notre capacité à réparer, à réenrichir, à rétablir des liaisons fructueuses.
Robert Barbault, qui m’avait proposé, peu avant que sa disparition nous laisse orphelins, de lui succéder à la présidence du comité d’orientation de l’Aten, disait que la biodiversité est le tissu vivant de la planète. Notre engagement est de tenter d’éviter qu’il se troue, qu’il s’use, qu’il perde ses fonctions. Il est aussi d’essayer de le recoudre, de le renforcer, d’aider à son fonctionnement. C’est un champ considérable de travail éthique, scientifique, technique pour l’Aten.
L’Aten est un organisme vivant passionnant, imaginatif, essentiel. La place qu’il occupera au sein de l’Agence de la biodiversité est une opportunité, une chance à saisir. Dans le climat de confiance productive créé par Robert Barbault, le comité d’orientation sera heureux de participer aux réflexions et aux propositions.