Continuité écologique des cours d’eau

Faut s’accrocher, c’est pas gagné

 
Isère
Le Dossier

Pascal Roche
Onema

 

Ponts, seuils, barrages, digues… dégradent la fonctionnalité des corridors rivulaires. En Isère, l’Onema a entrepris de recenser les ouvrages susceptibles de gêner les déplacements de la faune piscicole et le transport de sédiments. Pas facile…

Rétablir la continuité écologique sur les cours d’eau. Certes. Mais par où commencer ? Quelles solutions adopter ? Comment faire avancer les projets, lever les blocages ?
L’Office national de l’eau et des milieux aquatiques a choisi une réponse pragmatique en Isère, croisant les critères d’intérêt environnemental et ceux de faisabilité technique et économique.
Dans un premier temps, cent quatre-vingts ouvrages, faisant obstacle à la continuité écologique des cours d’eau et
nécessitant une action, ont été répertoriés, pour ensuite être prioriser (seule une petite partie pourra être traitée d’ici 2012, échéance Grenelle).
Restait alors à choisir un type d’intervention adapté pour chacun d’eux sachant qu’il convient de rétablir à la fois les continuités biologique et sédimentaire.

Parmi les solutions, la plus efficace, la plus durable et généralement la moins coûteuse consiste en l’arasement de l’ouvrage. Pas toujours possible, elle est cependant souvent envisageable car plus de la moitié des constructions sont actuellement sans usage. Pour les autres, il faut recourir à l’aménagement de passes à poissons et d’organes mobiles permettant le transit périodique des sédiments. Il est possible aussi de faire passer l’obstacle aux poissons en recourant à des systèmes de piégeage-transport. Ce type de solution, qui nécessite une intervention humaine, est mise en œuvre par EDF sur la Garonne par exemple. Les sédiments grossiers piégés en queue de retenue des grands barrages peuvent aussi être acheminés par route à l’aval.

Une fois les solutions techniques entrevues, vient la phase de concertation avec le propriétaire de l’ouvrage. D’abord le convaincre, car pour lui l’intérêt n’est souvent pas évident. Quoi de plus normal ! Les poissons sont muets, quant aux sédiments bloqués, ils sont soit laissés dans la retenue, soit enlevés périodiquement par curages ou chasses (avec les impacts négatifs que l’on connaît).
Deux outils permettent de convaincre. D’une part, l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse a mis en place un financement très incitatif pouvant aller jusqu’à 80 % du montant d’un projet (50 % pour l’ancien plafond). D’autre part, un outil réglementaire en préparation prévoit la révision du classement des cours d’eau au titre de la continuité.
Il y a donc une opportunité à saisir, avant que les financements ne soient moins substantiels et que le droit n’impose d’intervenir.
Les oppositions restent malgré tout importantes. Certains usagers organisés, principalement les producteurs d’électricité, craignent que la rentabilité des installations diminue. D’autres, comme les Amis des moulins, se méfient des contraintes. Par crainte de voir disparaître un obstacle qui bloquerait les poissons, certains pêcheurs s’opposent aux projets malgré les efforts de la fédération de pêche en faveur de la continuité biologique.

Par ailleurs, deux objectifs peu compatibles augmentent la difficulté. D’une part, on vise le bon état écologique des cours d’eau et, d’autre part, le développement de la production hydroélectrique afin de diminuer les émissions de gaz à effet de serre et la dépendance énergétique.
L’objectif de continuité écologique a jusqu’ici fait défaut. Il n’a concerné qu’une minorité d’ouvrages à l’occasion de créations récentes ou de renouvellement d’autorisations ou de concessions. Sur le Rhône ou sur l’Isère par exemple, où les revenus tirés de l’hydroélectricité sont substantiels, les oppositions à la mise en place de dispositifs de franchissement (ouvrages prioritaires) sont encore très fortes. Pourtant l’équipement avec une passe à poissons de certains barrages comme celui de Sault-Brénaz permettrait de rétablir la continuité écologique sur plus de 100 km, en complément du barrage de Jons (prévu pour 2011).
L’enlèvement d’ouvrages sans utilité est aussi difficile à faire admettre, sans doute du fait de l’attachement à l’existant et de la méconnaissance des effets négatifs des obstacles. Des projets comme le programme européen Couloirs de vie sont en cours, d’autres comme l’enlèvement d’un seuil sur le Guiers vif ont abouti grâce à une volonté concertée.