Repères

La Trame verte et bleue nationale sera issue des schémas régionaux de cohérence écologique

 
Entretien avec Fabienne Allag d’Huisme
Le Dossier

Fabienne Allag d’Huisme
Chef de projet Trame verte et bleue au ministère de l’Écologie, du développement durable, des transports et du logement.

 

Outil d’aménagement du territoire, la Trame verte et bleue vise à reconstituer un réseau écologique cohérent pour permettre aux espèces de circuler, de s’alimenter, de se reproduire, de se reposer... Le texte, adopté en juin dernier, suppose que chaque région arrête, avant 2012, son schéma régional de cohérence écologique. 

© Gilles Parigot - CPNS

Avec la Trame verte et bleue la France invente-t-elle quelque chose de neuf ?
En Europe, dix-huit pays ont déjà établi leur réseau écologique, certains ont commencé dans les années 1970. En France, des collectivités, avant le « Grenelle » environnement, ont aussi travaillé sur un réseau écologique à l’échelle de leur territoire. Enfin, les infrastructures vertes constituent un enjeu fort de la stratégie européenne pour la biodiversité. La France s’est donc appuyée sur toutes ces expériences pour mettre en place la Trame verte et bleue (TVB) et l’ancrer du point de vue législatif en modifiant les Codes de l’environnement et de l’urbanisme.
La TVB vient compléter d’autres outils en faveur de la biodiversité (stratégie nationale de la biodiversité, stratégie nationale de création d’aires protégées, Natura 2000, etc.) et vise à mettre en synergie l’aménagement du territoire et les enjeux environnementaux de continuités écologiques.

L’ambition semble grande. De quelle méthodologie nous sommes-nous dotés ?
Un cadrage national définit des orientations stratégiques et fait apparaître les enjeux nationaux et transfrontaliers. Des guides méthodologiques (voir encart), bientôt repris sous forme de décret d’application et de document cadre, précisent les règles du jeu.
D’ici la fin 2012, chaque région va devoir arrêter son schéma régional de cohérence écologique1 (SRCE) co-élaboré par l’État et la région. La procédure passe par une démarche de concertation très ouverte. Le schéma sera ensuite soumis à enquête publique avant d’être définitivement adopté.
Les SRCE doivent permettre, d’une part de définir des enjeux régionaux et d’arrêter les objectifs prioritaires pour permettre aux espèces de circuler, d’autre part de cartographier les espaces à préserver ou reconquérir.
Tous les projets et documents de planification de l’État et des collectivités territoriales devront prendre en compte les SRCE, ce qui confère une opposabilité de la TVB aux infrastructures et aux documents d’urbanisme.

Comment construit-on la TVB ? Faut-il, par exemple, se focaliser sur les espèces emblématiques ou, plutôt sur les habitats ?
Le choix de la méthode est à décider localement et dépend des spécificités du territoire, des connaissances disponibles et des avis d’experts.
Certains travailleront à partir de méthodes basées sur la perméabilité des milieux, d’autres privilégieront l’écologie du paysage ou les espèces. De l’analyse qui a été menée pour le Comité opérationnel TVB (Comop)2, il ressort que les approches sont à combiner. Dans tous les cas, il paraît incontournable d’identifier les continuités écologiques au sein de grands types de milieux (milieux forestiers, milieux aquatiques, milieux humides, milieux ouverts et zones agricoles) et de les agréger pour constituer le socle de la TVB.

Il existe pourtant, au niveau national, une liste d’espèces déterminantes…
Il faut lever cette ambiguïté. Ces espèces, peu nombreuses, sont déterminantes pour la cohérence nationale des schémas régionaux mais non suffisantes pour justifier la définition de la trame régionale et ne doivent pas être confondues avec les espèces déterminantes des Znieff par exemple. Elles traduisent la responsabilité nationale de certaines régions pour le maintien de « bastions » nationaux d’espèces et leurs enjeux de continuités écologiques.

Comment, si chacun met en œuvre sa propre démarche, va-t-on parvenir à construire une TVB cohérente à l’échelle nationale ?
Le Comop a établi des critères pour garantir la cohérence nationale de la TVB. Au nombre de cinq, ils visent la prise en compte par les schémas de différents enjeux de cohérence écologique portant sur des espaces protégés, des espèces, des habitats naturels, certains milieux aquatiques, et des enjeux interrégionaux et transfrontaliers. Nous travaillons également à stabiliser les règles de représentation cartographique.
Pour relayer ces méthodes et accompagner les acteurs du territoire, nous prévoyons, avec nos partenaires, gestionnaires et scientifiques, la mise en place d’un centre de ressources. Il est en effet indispensable d’échanger, de pouvoir mutualiser les expérimentations, de mettre des documents à disposition, etc.

Qui est légitime pour œuvrer ?
L’emboîtement et la complémentarité des approches sont indispensables.
Chaque échelle de territoire a sa propre légitimité pour travailler sur la TVB, à condition que chaque projet de territoire s’inscrive dans les enjeux du territoire supérieur, mais aussi des connaissances disponibles et de la vision des acteurs du territoire. Les collectivités, les projets de territoires, les départements, les régions, l’État ont tous un intérêt à agir. Mais c’est également le cas de tous ceux mobilisés localement pour le maintien de la biodiversité.

Comment sera traitée la gestion des espaces TVB ?
Une fois les espaces participant à la TVB identifiés, il s’agit de définir les mesures de maintien ou de gestion des continuités les plus appropriées (maintien ou évolution des pratiques existantes, modification de l’usage du sol, non-intervention, etc.).
Les schémas régionaux de cohérence écologique contiendront des orientations sur les types de mesures mobilisables (réglementaires, contractuelles, financières) et à adapter selon les spécificités des territoires et de leurs acteurs. À l’échelle locale, les documents d’urbanisme identifient les espaces participant à la Trame verte et bleue en y attachant des règles spécifiques d’occupation du sol sans imposer un type de gestion particulier des parcelles.

Y a-t-il des mesures de financement spécifiques à la trame verte et bleue ?
La question du financement est complexe, d’autant plus que la Trame verte et bleue concerne la biodiversité ordinaire. Il a été fait le choix de mobiliser les outils existants, y compris les fonds européens, pour le maintien et la restauration des continuités écologiques.
Les chantiers de la compensation, de la conditionnalité des aides pour les maîtres d’ouvrage ou encore sur des conventions à l’échelon des territoires de projets sont également ouverts.

1. Valent SRCE : dans les Dom, les schémas d’aménagement régionaux ; à Mayotte et en Corse, le plan d’aménagement et de développement durable (Padd et Padduc). • 2. Le Comop a réuni, de 2007 à 2010, des représentants de l’État, des collectivités, d'associations, des partenaires socio-économiques, des gestionnaires d'espaces naturels. Son travail visait à concrétiser les engagements du « Grenelle ».