L’avis de Patrick Haffner

Ne cédons pas à l’effet de mode

 

Espaces naturels n°41 - janvier 2013

Le Dossier

Patrick Haffner
Responsable du Pôle espèces - Muséum national d’histoire naturelle

 

Pour la faune comme pour la flore, les professionnels de la nature reçoivent des invitations de plus en plus nombreuses à participer à des opérations de suivis d’espèces. Effet de mode ou réelle prise de conscience de la puissance de ces dispositifs en matière de conservation ? Je ne parle pas ici des suivis d’individus, ou de protocoles appliqués par des chercheurs avec un objectif très ciblé et pour un temps limité. Je veux parler de ceux visant les populations d’une espèce et qui mobilisent parfois un grand nombre d’observateurs à intervalle régulier. Ces suivis ne sont pas nouveaux. Dans un premier temps, ils ont surtout été appliqués aux vertébrés, d’abord à des fins de gestion cynégétique puis de conservation. Citons, par exemple, le célèbre Christmas Bird Count qui, depuis 1900, permet le dénombrement des oiseaux en hiver aux USA. C’est venu plus tard en France… On compte, par exemple, les oiseaux hivernants des zones humides depuis la fin des années 1960 ou encore les migrateurs sur les cols pyrénéens depuis 1979. Dans les années 1980, les dispositifs se sont multipliés : mammifères marins, ongulés chassables, chauves-souris, mais aussi papillons ou plantes menacées, pour ne citer que quelques exemples. Cependant, tout compter est difficile. Et l’obtention par échantillonnage d’un indice qui permettra de déterminer la tendance démographique d’une espèce est déjà un résultat formidable. Ainsi, un nouveau type de suivis s’est développé. On pense, bien sûr, au célèbre Stoc (Suivi temporel des oiseaux communs), un pionnier en la matière en France puisque lancé en 1989. D’autres programmes basés sur le même principe ont suivi. Citons par exemple les initiatives prometteuses concernant les plantes menacées de montagne. Elles vont de pair avec le développement des observatoires de la biodiversité et des programmes de sciences participatives. Les naturalistes, tant amateurs que professionnels, sont maintenant très sollicités. Le grand public ne peut être mis efficacement à contribution que dans des situations très particulières. Les suivis sont indispensables. C’est une bonne chose qu’ils se multiplient. Pour ne pas qu’ils se transforment en phénomène de mode, veillons à ne lancer de tels programmes que lorsqu’on est assuré que les bénéfices, en termes de sensibilisation et d’acquisition de connaissances, seront à la hauteur des investissements. •