Une passerelle vers la nature
Espaces naturels n°21 - janvier 2008
Gaëlle Aggeri
Ingénieure-paysagiste - Responsable pôle de compétence paysage-espaces verts du Centre national de la fonction publique territoriale
La place de la nature en ville fait aujourd’hui débat et certaines expressions le révèlent bien : « la ville-nature » à Poitiers, La Rochelle, Coulaines, « place à la nature » au Grand Lyon, « au vert en ville » à Pau, le « bois habité » à Lille… ces images porteuses d’ambiguïté véhiculent un désir des citadins d’échapper à la ville dans une nature urbaine, recomposée de façon bucolique, ou dans une nature sauvage, équipée pour les aménités, dans les périphéries urbaines. Peut-on alors parler de continuum entre le square et la réserve naturelle du point de vue de la symbolique, de l’esthétique, des usages, de la demande sociale et éventuellement des pratiques de gestion ? Une majorité de villes françaises et européennes se sont engagées dans une démarche de mise en œuvre d’espaces verts « plus naturels » que la gestion horticole. Elle est fondée sur une préoccupation écologique et sur une valorisation d’une diversité d’offres et de types d’entretien des espaces de nature urbaine. On passe de l’espace vert le plus artificialisé dans sa forme et dans son fleurissement, aux espaces à caractère rustique permettant un développement de la faune et de la flore indigènes. L’origine de ces programmes de gestion des espaces verts a éclos dans les villes du nord de l’Europe, en Suisse, Allemagne, Pays-Bas, dès les années 70. Menée par les ingénieurs des services espaces verts, cette politique environnementale s’est souvent révélée ambitieuse. En effet, elle cherche à mettre en œuvre une gestion naturaliste globale, fondée – entre autres – sur un continuum de corridors écologiques, une revalorisation de la flore spontanée, une création de réserves naturelles faunistiques et floristiques urbaines. Cette nouvelle représentation européenne de la nature ne sera partiellement diffusée dans les villes françaises que quinze ans plus tard, sous l’impulsion initiale des directeurs des services d’espaces verts d’Orléans, de Rennes et de Paris qui ont, à leur façon, proposé de nouveaux modèles de nature urbaine plus respectueux de l’environnement, en rupture avec l’horticulture traditionnelle. En 1993, cette mouvance du paysage a été officialisée et nommée « gestion différenciée » par les deux cents villes qui la pratiquaient : de nouvelles formes métissées, paysagères et biologiques, produites par des équipes composées d’horticulteurs, d’aménageurs et de naturalistes sont ainsi apparues. Cette sensibilité à l’écologie s’est affirmée et fut relayée à une échelle planétaire par le paradigme de la « ville durable », issu du Sommet de Rio (1992). Depuis les années 2000, les réseaux de porteurs de projets durables1 ont interprété et exploré différentes pistes de création et de gestion environnementale de ces espaces publics en fonction de leur sensibilité, des ressources territoriales, des commandes publiques, de l’image de leur ville… On parle maintenant de période post-gestion différenciée, un concept qui ouvre de nouvelles voies écologiques (parcs-nature), géographiques (réseaux verts), sociologiques (usages et concertation). Ainsi, certaines collectivités se lancent dans des pactes écologiques comme le plan Climat du conseil général des Hauts-de-Seine, ou le plan Faune sauvage de Besançon. Enfin, à l’heure de l’évaluation des politiques publiques, la gestion différenciée ou durable commence à être analysée du point de vue des résultats mesurables, notamment avec l’apport de la certification iso 14 000 comme à la ville de Paris, ou encore avec les « bonnes pratiques environnementales » proposées par la méthode Plantes et cités (lire pages suivantes). Ces retours d’expériences et pistes d’évolutions seront-elles sources d’inspiration, de mutualisation, d’invention pour le monde des espaces naturels ? C’est en tout cas une main tendue pour davantage d’échanges de pratiques professionnelles.
1. Fedenatur, Terres en villes, Association des ingénieurs territoriaux de France, TTF, ADPJP.