Sécurité

Outrages, menaces, violences : savoir réagir

 

Espaces naturels n°49 - janvier 2015

Droit - Police de la nature

Sophie Heyd
juriste Aten

Être policier de la nature, c’est aussi gérer les menaces, les insultes, parfois les violences physiques de la part des usagers récalcitrants. Car le « bleu-blanc-rouge » du blason de la police de l’environnement peut cristalliser des comportements conflictuels allant de la « simple » incivilité jusqu’à l’agression. Prévenir, former, accompagner les agents : tour d’horizon des pratiques.

La dégradation des panneaux ou des locaux concourt au climat d'insécurité dans lequel travaillent les agents. © PNM H. Brosius

La très grande majorité des affaires d’atteintes à agents commissionnés est constituée d’outrages, c’est-à-dire d’insultes, de provocations et de menaces. « Les agents reçoivent l’agressivité adressée au parc, voire à l’État. Ce sont en effet souvent les seuls représentants de la sphère publique présents sur les zones reculées », témoigne Caroline Merle du Parc national du Mercantour. Constat partagé aussi par l’ONCFS : dans certains territoires où le contexte local est tendu, les agents vont servir d’exutoire. Les agressions physiques sont heureusement plus rares, « bien qu’on ait des situations de mise en danger délibérée de la vie d’autrui, comme dans des affaires récentes où des contrevenants ont dirigé volontairement leur véhicule sur nos agents », rapporte Philippe Landelle, juriste à l’ONCFS. Dans les réserves naturelles ou les parcs nationaux s’ajoutent des dégradations régulières de panneaux ou de locaux, parfois des véhicules aux roues crevées... ce qui engendre un climat d’insécurité pour les agents.

SE FORMER, DÉSAMORCER, SE RETIRER

Anticiper les situations difficiles passe en priorité par la formation. Savoir répondre à une situation conflictuelle, analyser un comportement, faire baisser la pression : autant de savoir-être nécessaires à l’agent en mission de police. Les agents de l’ONCFS apprennent ainsi à adapter leur positionnement en fonction de la dangerosité d’une intervention, et à déployer si nécessaire des mesures de protection physique (bâton de défense, menottage).
Effectuer les tournées de surveillance en binôme est également un point crucial. « On essaie toujours d’intervenir à plusieurs, indique Daniel Gerfaud-Valentin, coordinateur police des réserves naturelles gérées par le Cen de Haute-Savoie. Mais avec le manque d’agents, on est parfois tout seul. » La formation est complétée par les instructions internes : au Parc national du Mercantour, les directives de sécurité sont répétées lors du « briefing police » en tout début d’été ; à l’ONCFS, c’est la direction de la police qui diffuse les instructions d’intervention. Dans tous les cas, une consigne est claire : lorsque le risque est trop important, il faut savoir décider de ne pas intervenir, ou de se retirer.

ACCOMPAGNER

Lorsque l’atteinte a eu lieu, l’agent doit être accompagné. « Dès qu’il y a un incident, on en parle entre nous, en réunion, même si ce n’est pas formalisé. Le téléphone et la radio sont toujours allumés », témoigne Daniel Gerfaud-Valentin. En interne, la prise en charge passe par un volet « ressources humaines » : l’agent remplit un rapport interne ou une fiche de signalement qui est répercuté sur le registre « hygiène et sécurité ».
Il peut être entendu par un médecin ou une assistante sociale si besoin. Au Parc national du Mercantour, une procédure de « fiche incident » a été mise en place pour recenser toutes ces situations et y apporter une réponse appropriée.

Le CHSCT(1) fait un suivi régulier de cette procédure. Le Cen de Haute-Savoie propose une aide financière dans les cas où l’agent fait une demande de soutien psychologique. La mission juridique de l’Aten peut également conseiller et orienter les agents relevant de petites structures, parfois seuls sur leurs missions de surveillance.

SE CONSTITUER PARTIE CIVILE ?

En parallèle se pose la question de la procédure contentieuse. L’agent victime d’un outrage, de menaces, ou de violences a la possibilité de déposer plainte et de se constituer partie civile. Dans ce cas, l’ONCFS par exemple assure entièrement les frais de suivi de la procédure, en lien avec l’avocat choisi par l’agent. L’établissement-employeur peut se constituer aussi partie civile aux côtés de l’agent. Au-delà des dommages-intérêts que demandera l’agent ainsi que son employeur, la véritable question est celle du suivi de ces affaires par les parquets concernés. Sur ce point, le bilan est mitigé. Si certains procureurs sont conscients des enjeux de crédibilité pour les agents sur leur territoire d’intervention, et suivent ces dossiers avec attention, d’autres passeront pour les cas d’outrages sans violences physiques par des classements sans suite ou de simples rappels à la loi. Dans certaines situations, l’appui du corps de gendarmerie qui a reçu la plainte est déterminant. Et même lorsque l’affaire est examinée par un tribunal, la solvabilité du prévenu pose parfois problème.

(1) Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.