Pourquoi ne pas travailler ensemble ?

 
Affaires maritimes et gestionnaires d’aires marines

Espaces naturels n°21 - janvier 2008

Droit - Police de la nature

Éric de Chavannes
Directeur du groupe écoles des affaires maritimes

 

Entre les services d’État des Affaires maritimes et les gestionnaires d’aires marines, les incompréhensions perdurent encore. On aurait d’un côté les défenseurs du pêcheur contre ceux du poisson ? ! Ne le nions pas : les approches sont différentes. Confrontés à des soucis quotidiens, les gestionnaires d’une aire marine protégée attendent de l’administration d’État une assistance technique et juridique parfois, des contrôles toujours.
On les comprend. Leur rapport au temps est déterminant. La préservation d’un site sensible nécessite un travail long et constant alors que les micropollutions locales, le braconnage, les ancres endommageant les fonds, la circulation d’un trop grand nombre de navires… actions, générant de graves dommages, peuvent s’opérer en un instant.
A contrario, les chefs de service aux Affaires maritimes attendent, parfois, des gestionnaires qu’ils leur fournissent plus d’explications quant à leurs enjeux et priorités. Toujours, ils souhaitent qu’on ne leur demande pas trop de contrôles. C’est qu’ils gèrent la complexité des équilibres sociologiques et économiques entre les activités professionnelles et de loisirs. Ils mettent en œuvre des réglementations relatives à la politique commune des pêches… Ils mettent en œuvre de nombreuses réglementations complexes… et des problématiques sans limites géographiques.
On l’aura compris, le hiatus de l’incompréhension entre ces acteurs publics, s’inscrit entre le « parfois » et le « toujours ». Le
dialogue manque souvent.
Les services des Affaires maritimes ne sont pas pour autant dépourvus de moyens d’action :
- Ils peuvent proposer au préfet maritime de réglementer la circulation ou le mouillage des navires en certaines zones.
- Ils peuvent proposer à certains préfets de région (décrets 90-94 et 90-95 du 25/1/90) de prendre des mesures de réglementation de la pêche professionnelle ou de loisir.
- Ils peuvent demander au préfet de département de réglementer la pêche à pied et sur l’estran.
- Au titre du décret-loi de 1852 et de la loi 83-582 du 5/7/83, les Affaires maritimes disposent d’importants pouvoirs de police en matière de pêche, dont des pouvoirs de saisie. Ces derniers pouvoirs se déroulent dans un cadre procédural bien défini. Pour une meilleure efficacité, les cas types doivent cependant être étudiés localement avant de mener les actions de répression.
- Les préfets de département, ou les directeurs départementaux des Affaires maritimes (DDAM) par délégation, peuvent retirer temporairement ou définitivement les titres de conduite des navires de plaisance à moteur (décret du 2/8/07).
D’autres compétences incombent aux affaires maritimes, énumérer l’ensemble des textes et possibilités d’actions serait long, fastidieux, et forcément insuffisant puisque l’analyse de jurisprudence devrait également y avoir sa place.
Mais on retiendra qu’en matière de police en mer, comme pour toute action de police, les meilleurs résultats s’obtiennent avec de la collecte d’informations en amont et par une action concertée entre services de l’État et autres partenaires (les agents qui arment les moyens nautiques sont par ailleurs chargés de la police à terre, et de fonction d’aide et renseignements du public). D’autant plus que les actions au coup par coup sont déstructurantes pour les services, pas toujours possibles, et souvent d’une efficacité moyenne.
Voilà qui plaide pour la collaboration entre gestionnaires d’espaces marins protégés et les Affaires maritimes. Cependant, pour que ce souhait soit réaliste, il convient de s’inscrire dans un principe de réalité. Les contrôles en mer ne peuvent être comparés à aucun type de contrôles à terre. En mer, il n’est pas possible de maintenir en permanence des moyens armés. Même pour le sauvetage de vies humaines, les moyens ne sont armés que lors de l’alerte. La mise à l’eau d’une embarcation pneumatique depuis une plage ne se fait plus dès que la hauteur des vagues dépasse 1,20 m, a
fortiori de nuit1.
Le fait de voir un écho sur un radar ne permet pas, forcément, de l’identifier, et encore moins de préjuger de son activité. Par ailleurs, la charge de la preuve en matière de pêche illicite est souvent plus difficile à apporter que ce que le simple bon sens pourrait laisser supposer.
Gageons que la création du ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durables créera l’opportunité du développement d’une culture commune qui facilitera les échanges internes.

1. Sauf pour le sauvetage de vies humaines, justement.