Responsabilité environnementale

 
Des mots pour le dire

Éric Binet
Haut fonctionnaire chargé de la terminologie et de la néologie en matière d’environnement au ministère en charge de l’Écologie

 

Qui dit « responsabilité » dit capacité de répondre de ses actes. Dans le domaine environnemental, l’intégration est devenue le maître mot des conventions internationales, des traités européens, de la législation française : la protection de l’environnement doit faire partie intégrante de tout processus de développement (principe 4 de la déclaration de Rio - 1992).
Dans l’article 6 du traité qui la fonde, l’Union européenne se donne comme objectif (depuis 1999) cette même intégration de l’environnement, dans toutes les politiques publiques, plans et programmes, projets de l’État, des collectivités territoriales, des gestionnaires d’espaces…
L’État se fixe des objectifs dans la stratégie du développement durable (2003-2008 pour la première), déclinée par exemple par la stratégie nationale pour la biodiversité ou le plan national santé-environnement. Il devient alors nécessaire d’évaluer les écarts entre les pratiques et les mesures environnementales réglementaires,
fiscales et incitatives prises.
La « responsabilité environnementale » pose davantage un problème de champ juridique d’application que de terminologie. Depuis vingt ans, sous l’heureuse impulsion européenne, les études d’impact, d’incidences ou de dangers doivent intervenir en amont des projets et faire l’objet d’une évaluation environnementale.
Pour traiter des dommages qui peuvent cependant intervenir, un projet de loi (présenté au conseil des ministres du 4 avril 2007) devrait permettre de transposer la directive du 21 avril 2004, en initiant un nouveau régime de responsabilité, visant à protéger l’intégrité du milieu naturel en l’absence même de victime indemnisable. Il s’agit de réparer ou compenser les dommages écologiques graves causés à la
qualité des eaux de surface et souterraines, à l’état des sols ainsi qu’aux espèces et habitats naturels protégés.
Les exploitants qui se livrent à l’une des activités dangereuses mentionnées dans la directive devront prendre les mesures préventives appropriées. En cas de dommage, et même sans faute, il leur reviendra de réparer. Lorsque les espèces et les habitats naturels protégés sont en cause, les mêmes obligations valent, pour l’ensemble des activités, qu’elles soient ou non à risque. La responsabilité de l’exploitant n’est alors retenue que s’il a commis une faute ou une négligence.
Si le champ paraît immense, il est restreint par le concept de dommages « graves », et donc par les exclusions des dommages dits quotidiens ou acceptables au vu des autorisations données, ainsi que celles des régimes propres aux conventions internationales, du nucléaire, et de la prescription trentenaire ; de plus, la directive n’a pas d’effet rétroactif. D’autre part, pour que le régime de responsabilité fonctionne, il faut un pollueur identifié, que le dommage soit concret et quantifiable, que le lien de causalité soit établi entre le dommage et le pollueur reconnu. Ceci ne fait pas de cette directive un instrument approprié face à la pollution à caractère étendu et diffus, pour laquelle il est impossible d’établir un lien entre les incidences environnementales négatives et l’acte ou l’omission de certains acteurs individuels. Enfin, très souvent, se pose la question des sites orphelins et de la solvabilité des pollueurs. Le récent arrêt rendu en première instance dans le procès de l’Erika ouvre une voie jurisprudentielle à cette responsabilité environnementale.
Nous sommes donc entrés dans le siècle de l’évaluation environnementale avec une demande croissante d’expertise écologique. Le niveau de responsabilité environnementale requis au titre de l’intérêt collectif, actuel et pour les générations futures, s’apprécie en relation avec les exigences des sociétés.