>>> Mare temporaire de Catchéou (Var)

Terre brûlée

 
réhabilitation immédiate
Gestion patrimoniale

Laurent Marsol
ONF Var

 

En juillet 2003, le site de la mare temporaire de Catchéou est affecté par un incendie. Pour limiter les atteintes à l’écosystème, l’ONF intervient d’urgence. Action et bilan…

L’incendie vient juste de s’éteindre et une visite de la mare temporaire de Catchéou permet déjà de constater les dégâts sur l’écosystème. La totalité des rameaux inférieurs à deux cm de diamètre est consumée, il en est de même de quelques gros pins. Ce milieu fragile risque de se remettre difficilement de ses blessures, aussi l’ONF choisit de conduire une réhabilitation immédiate. Et, avant même que ne surviennent les pluies d’automne, réputées potentiellement violentes, l’ONF intervient pour préserver physiquement le micro-relief et le sol. Ce dispositif expérimental de réhabilitation écologique du site vise à le protéger des effets du ruissellement. Car, avec les premières pluies, l’accumulation de cendres, de débris organiques et de sable risque de combler la mare et de modifier les caractères physico-chimiques du milieu (eutrophisation…).
Mis en application en octobre 2003, ce dispositif, a consisté en la réalisation de travaux de reconstitution écologique de la mare sur une superficie traitée de 1,45 ha et selon un cahier des charges précis :
recépage des brins brûlés d’arbustes susceptibles d’augmenter les apports de cendres et de matière organique dans la mare et exportation de la nécromasse ;
abattage, façonnage, billonnage et évacuation des rémanents des arbres
carbonisés ;
mise en place de 150 m linéaires de fascines (voir photo) sur deux rangs suivant deux courbes de niveau pour éviter l’atterrissement et le comblement de la mare par les cendres et matériaux d’érosion ;
pose de piquets gradués dans les points bas de la mare pour évaluer l’atterrissement par ruissellement ainsi que d’une règle graduée en fond de mare pour donner la hauteur d’eau maximale ;
pose de deux panneaux rappelant l’interdiction de circuler hors des chemins. En parallèle de cette mesure, des patrouilles équestres, financées par le Département et la Région, assurent une surveillance accrue.
Concurremment à la réhabilitation de l’écosystème, un programme de suivi des caractéristiques physicochimiques du milieu et des populations animales et végétales a été mis en œuvre à partir du T01 constitué par l’incendie. Ce suivi, effectué régulièrement, a concerné :
l’efficacité du dispositif de retenue des cendres, de la matière organique brûlée et des sédiments dans le cours des ruisseaux temporaires débouchant sur la mare ;
le suivi du régime hydrique de la mare par corrélation entre les données de la station météorologique la plus proche et les relevés des niveaux des piquets et de la règle graduée posés dans le fond de la mare. Ces relevés sont effectués par les agents de l’ONF ;
le suivi de la flore et de la faune par cartographie régulière de la végétation et surveillance de la présence et de la reproduction des animaux ;
le suivi photographique réalisé depuis mai 2003 de plusieurs vues de la mare.
Un bilan plutôt favorable
Depuis l’incendie et après un an de suivi de la zone de la mare temporaire de Catchéou, le bilan, quant au maintien d’espèces remarquables, semble plutôt favorable :
lors des phases de reproduction, toutes les espèces d’amphibiens sont de retour sur le site en quantité rarement constatée avant le passage du feu ;
l’ouverture du milieu semble avoir profité aux espèces de flore patrimoniale, de même qu’aux habitats ouverts d’intérêt communautaire,
le paysage a changé (moins d’arbres et d’arbustes hauts), ce qui attire probablement les oiseaux aquatiques vecteurs d’espèces nouvelles inféodées à ces milieux particuliers (crustacés, plantes…) ;
les ouvrages légers, inspirés des techniques de restauration des terrains en montagne semblent avoir bien joué leur rôle puisque le régime hydrique et la qualité de l’eau et du milieu se sont maintenus.
Il semble opportun d’ajouter que le positionnement de la mare en lisière du passage du feu a eu un effet bénéfique sur la recolonisation à partir des populations indemnes.
Ce bilan doit cependant être tempéré
par quelques observations. On note ainsi :
l’érosion du bourrelet constituant la digue de retenue de la mare. Celle-ci est constatée entre les épisodes pluvieux (dix centimètres en moins). Il pourrait, à terme, être nécessaire d’intervenir afin
de reconstituer la digue à une hauteur
suffisante sous peine de voir la durée de mise en eau en être affectée. À titre d’exemple, la mare s’est asséchée deux fois en deux ans au printemps, provoquant l’échec de la reproduction de quatre espèces d’amphibiens ;
la perte vraisemblable d’une petite population de tortue d’Hermann, la densité étant bien trop faible pour pouvoir reconstituer une population viable, d’autant que cette espèce continue d’être ramassée malgré l’interdiction.
Aujourd’hui, le classement du site en Réserve biologique dirigée domaniale est imminent. Son objectif prioritaire vise le financement des actions de gestion comme les travaux de consolidation du bourrelet de la digue et le suivi annuel.

1. Le « T0 » est le point de départ d’une expérience ou d’un suivi marqué généralement par un événement susceptible d’influencer l’expérience.