Le venin des traverses de train

 

Espaces naturels n°36 - octobre 2011

Le courrier

Olivier Cizel
Juriste
Luc Barbier
PNR Caps et marais d'Opale
 

Anciennes traverses SNCF ou poteaux France Télécom, ces matériaux bon marché sont utilisés pour aménager des sites naturels. Il n’est pas rare de les voir, en zones humides, servir de support de sentier sur pilotis. Ou encore tenir lieu de pieux de clôtures. Certes, le matériau possède des propriétés physiques remarquables. Certes,
ces traverses de réforme sont accessibles à des prix compétitifs. Ils sont cependant traités avec des substances particulièrement toxiques : de la créosote et des sels de cuivre-chrome-arsenic, susceptibles d’affecter la qualité des sites sur le long terme.
Dilués dans l’eau ou par l’eau, ils diffusent leur venin un peu comme des sachets de thé.
Du reste, les spécialistes les tiennent pour cancérigènes. Un arrêté interministériel du 7 août 1997 (modifié le 2 juin 2003) interdit la mise sur le marché et l’importation, à destination du public, d’objets en bois traités à la créosote, ainsi que la substance elle-même ou des préparations en contenant. Ce même arrêté toutefois autorise les préparations à base de créosote utilisées pour le traitement du bois, uniquement dans le cadre d’un usage industriel dans les installations classées ou par des utilisateurs professionnels pour le retraitement exclusif in situ. La concentration en benzo-a-pyrène doit être inférieure à 0,005 % en poids et celle en phénols extractibles par l’eau inférieure à 3 %.
Parce que le bois créosoté est considéré comme un déchet dangereux, les transits, tris, regroupements des traverses ou poteaux usagés traités à la créosote sont soumis à autorisation si leur poids dépasse 1 tonne. À déclaration dans le cas contraire (nomenclature ICPE, rubr. n° 2718), sauf s’ils sont entreposés à proximité du lieu de leur dépose et si le terrain de dépôt est placé sous la maîtrise foncière du propriétaire du réseau de transport.
En outre, leur incinération ne peut s’effectuer que si l’incinérateur est habilité à brûler des déchets industriels spéciaux (DIS) soumis, selon les cas, à autorisation ou déclaration (nomenclature ICPE, rubr. 2770).
Une charte d’engagement volontaire a été signée le 15 juillet 2010 entre Mme Jouanno, Réseau ferré de France, France télécom, Électricité réseau distribution France, Fédération nationale des collectivités concédantes et régies et Robin des bois. Cependant, dans l’attente d’une filière d’élimination des bois traités en France, les gestionnaires de sites naturels auraient beau jeu d’appliquer un principe de précaution : ne plus utiliser de bois traités, procéder au retrait de ceux en place. D’autant que des solutions de remplacement existent. Le robinier faux acacia est ainsi considéré à juste titre en classe 4 (extérieur), les chênes de pays exploités dans des conditions optimales offrent aussi des usages nombreux, tous comme les châtaigniers qui servent à confectionner des pieux de clôtures. L’usage de ces matériaux éco-adaptés et éco-responsables contribue au développement durable des territoires.