Allez-y, l’accueil est leur point fort

 
Vu ailleurs

Jean-François Noblet
Association le Pic vert

Les anglais n’ont pas le même rapport à la nature ? C’est une différence culturelle dit-on. Un peu facile ! Leurs expériences méritent au contraire l’attention. C’est pour cela que l’association de protection de la nature Le Pic vert a organisé un séjour d’études dans plusieurs réserves anglaises en avril 2013. Voyage dans des espaces naturels où le grand public est roi.

© Jean-François Noblet

Les espaces protégés anglais ressemblent beaucoup à nos parcs naturels régionaux et il faut surtout visiter l’une des 9 réserves du Wildfowl and Wetlands Trust (WWT) au Royaume-Uni, une association créée en 1946 par Peter Scott. David Paynter, responsable technique de la réserve de Slimbridge au nord de Bristol explique la politique d’aménagements des réserves du WWT : l’objectif principal n’est pas d’attirer les naturalistes, mais le grand public. Cela implique que les accès doivent être possibles en transport en commun, que les parkings, les toilettes doivent être impeccables et le site toujours propre. Par exemple, les bancs extérieurs, souillés par des fientes d’oiseaux, sont désinfectés tous les matins. Les personnes handicapées peuvent réserver des fauteuils électriques sur place, lire des panneaux en braille ou toucher des sculptures. Il faut surtout que les visiteurs puissent observer, sans jumelles ni équipement particulier, des animaux sur un circuit de promenade court, plat et bien entretenu. Sont donc aménagés des enclos avec quelques animaux en captivité, des aires de nourrissage régulièrement approvisionnées, des observatoires très bien conçus. Ainsi, à Slimbridge, on peut voir près des agrainoirs une grande concentration de plusieurs centaines de cygnes de Bewick sauvages en hiver. On peut aussi se connecter à des webcams installées sur les sites pour suivre une famille de blaireaux la nuit, une nichée de chouette effraie ou de faucon pèlerin.
 

Séduire le public et susciter l’adhésion

Cette partie artificialisée des réserves (20 ha sur 465 ha à Slimbridge) commence par un bâtiment d’accueil confortable avec expositions permanentes et temporaires, restaurant cafétéria avec menus bio, locaux, sans gluten, végétarien, et se termine par une boutique (livres, optique, nichoirs, graines pour oiseaux, jeux). Ainsi le public non averti ne sera pas frustré par sa visite comme cela peut être le cas de certains sites protégés français, plus tournés vers les initiés. Les anglais mettent vraiment l’accent sur des aménagements qui n’artificialisent pas trop, mais qui permettent une bonne observation et canalisent en même temps le flot de visiteurs. On peut citer les différents itinéraires de promenade, les observatoires extrêmement bien conçus : place handicapé, jumelles et livres de détermination en libre usage, panneaux d’information en plusieurs langues. Dans la réserve WWT de Londres, on peut pénétrer dans une galerie souterraine pour pouvoir observer les nids d’une colonie d’hirondelles de rivages installée dans une falaise spécialement créée pour elles. Dans la grande zone d’observation de la faune sauvage, il y a 6 observatoires. Le plus grand est une tour de 3 étages, accessible en ascenseur qui offre une vision à 360°. A chaque étage on trouve un panneau sur les espèces observées le jour même, des volontaires pour vous guider et même un défibrillateur.

Afin de mieux accueillir les visiteurs, le WWT utilise des centaines de volontaires bénévoles qui sont formés et généralement très compétents. Outre des tâches d’entretien du site, ils tiennent des permanences aux endroits de grand passage (entrée, expositions, observatoires). Ils répondent aux questions, animent des petits stands ou des ateliers et consacrent du temps à faire aimer « leur » réserve. Un effort pour susciter le soutien qui se manifeste aussi sur internet. Il suffit de taper wwt.org.uk pour comprendre comment cette association, peut accueillir un million de visiteurs sur ses réserves naturelles et compte le même nombre d’adhérents. En un clic vous pouvez trouver tous les renseignements nécessaires : plan d’accès, horaires, dernières observations naturalistes, programmes d’activités, galerie de photos, messages de Facebook, Twitter, videos de Youtube, formulaire d’adhésion (45 € pour un adulte pour un an ou 1189 € à vie). Le WWT est une oeuvre de bienfaisance (Charity) selon la loi anglaise, exonérée d’impôts. Les 400 permanents sont payés par les adhésions, les entrées des réserves, les mécènes et sponsors. Cela devra nous inspirer.

Eduquer à l’environnement

Mais l’éducation environnementale ne se limite pas aux espaces naturels. Dans toutes les réserves, il y a des jardins écologiques montrant tout ce qu’il est possible de faire chez soi pour enrichir la biodiversité : nichoirs, murs à insectes, mares, haies champêtres etc. à Slimbridge vous pouvez découvrir une exposition installée dans les toilettes qui vous explique comment vos excréments vont être traités. Dans la réserve de Londres vous pouvez visiter l’intérieur d’un égout de la ville avec tout ce qu’on y trouve : faune, déchets, odeur et visualiser les conséquences de l’usage des eaux usées.

Sur ce même site, dans la zone consacrée aux mares, il est possible de pêcher avec une petite épuisette des organismes dans différents types de mares qui sont surélevées pour faciliter l’observation et d’aller voir vos captures sous une binoculaire en libre service. Des volontaires vous aideront à le faire sans dommages et le tout sera remis dans le lieu de récolte. Dans la réserve de Londres un cinéma projette en permanence des films sur les zones humides et un centre de découverte très bien fait occupe un bâtiment central.

Là, le public et les enfants peuvent faire des expériences et des jeux permettant la compréhension du fonctionnement des zones humides : une grande maquette en  métal montre une montagne et le cours d’une rivière depuis la source jusqu’à la mer. Si on appuie sur un bouton la pluie tombe sur la montagne et l’eau suit le cours d’une rivière. On vous incite alors à faire un concours de vitesse avec des petits bateaux en mousse. Ensuite vous pouvez modifier les berges de la rivière en déplaçant des aimants pour faire des digues. Si vous le faites, votre bateau ira plus vite mais la ville située en aval sera inondée. Idéal pour comprendre l’importance de ne pas modifier le lit majeur des rivières.

Enfin on peut constater dans toutes ces réserves l’usage de l’art sous toutes ses formes : exposition de photos, ateliers d’artistes travaillant en public, poèmes et land art. Ainsi les réserves du WWT, malgré leur importante fréquentation, laissent la place à la méditation (voir ci-contre). L’orientation prise en faveur de l’accueil du public n’empêche pas un investissement dans des programmes de recherche et de protection. Au WWT de Londres par exemple, on a réintroduit des campagnols aquatiques, à Slimbridge on a sauvé l’oie Néné de l’extinction et réintroduit castor et grue cendrée. Pour toutes ces raisons il nous parait fondamental d’aller voir nos amis anglais et s’inspirer de leurs bonnes idées.