Biopiraterie

 
Des mots pour le dire

Alexis Tiouka
Expert en droit international, spécialisé en droit autochtone

 

La biopiraterie se définit comme l’appropriation par des firmes privées de connaissances autochtones sans partage équitable des bénéfices pour les populations qui détiennent ces connaissances. La biopiraterie est reliée à un droit fondamental : celui de la propriété intellectuelle.
La question est alors de savoir comment mettre en œuvre une réglementation touchant à l’accès aux ressources génétiques localisées et protégeant les savoirs qui leur sont liés.
Ces savoirs jouent un rôle essentiel dans la survie des communautés. Ils leur assurent le maintien et le développement de l’identité culturelle, l’autonomie politique, le développement économique durable.
Or, les exemples d’usurpation de ces savoirs s’accumulent. En Guyane par exemple, la biopiraterie concerne sept communautés autochtones (dont quatre sur le territoire du Parc amazonien). De nombreuses recherches portent sur les pharmacopées traditionnelles ou l’utilisation de plantes pour les cosmétiques. Et, si certains chercheurs font un effort de retour aux communautés (développement d’un commerce équitable…), l’absence de surveillance ou de réglementation ne permet pas de connaître les abus, de savoir si un partage équitable des bénéfices est envisagé.
Dans certains cas, les chercheurs rémunèrent des individus/informateurs. Ces derniers, souvent sans emploi et mal informés, acceptent toutes formes de rémunération, sans prendre conscience des enjeux financiers sous-jacents. Or, ces savoirs sont du domaine collectif et non individuel. Aussi, au-delà de la réglementation, il y a nécessité de former les populations à la question de la propriété intellectuelle.
La Convention sur la diversité biologique a permis une avancée. Son article 8j souligne que les États signataires doivent « respecter, préserver et maintenir les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones […]. » En France, son application pose problème du fait de l’absence de reconnaissance réelle de ces populations. Cependant, l’article 33 de la loi d’orientation pour l’outre-mer précise que « l’État et les collectivités locales encouragent le respect, la protection et le maintien des connaissances, innovations et pratiques de communautés autochtones et locales fondées sur leurs modes de vie traditionnels […]. » Mais ces textes ne donnent pas encore lieu à des applications concrètes.
En Guyane, la charte pour le parc amazonien devrait prendre en compte la protection des savoirs traditionnels et l’accès aux ressources génétiques. Il conviendrait d’inclure les communautés dans les prises de décision concernant l’accès aux ressources génétiques situées sur leurs territoires, de s’assurer que leur consentement est libre et informé, de proposer des règles contraignantes pour un partage équitable des bénéfices.