Comment les espèces répondent...

 
Changer pour durer

Espaces naturels n°15 - juillet 2006

Le Dossier

Christophe Barbraud
Cnrs

 

Les variations climatiques agissent sur la dynamique des populations. On observe des effets sur les tailles de population mais également sur les mécanismes démographiques, les taux de reproduction…

Les suivis à long terme de l’écologie et de la biologie de plusieurs espèces animales et végétales montrent que les changements climatiques affectent un large éventail d’espèces. Il est possible de distinguer quatre types de réponses des espèces aux changements climatiques.
Changements d’aire de distribution
La distribution géographique des espèces est généralement déterminée par des régimes climatiques particuliers, souvent au travers d’une tolérance physiologique spécifique à certaines gammes de températures ou de précipitations. Avec le réchauffement, ces « enveloppes climatiques » ont tendance à se déplacer vers les pôles ou en altitude. Dans la mesure où les ressources alimentaires le permettent, on s’attend à ce que les espèces suivent leurs enveloppes climatiques respectives et donc que leurs aires de distribution se déplacent. C’est ce qui est observé pour plusieurs espèces de papillons de l’hémisphère nord, dont pour certaines d’entre elles l’aire de distribution s’est déplacée de 200 km vers le nord en vingt-sept ans.
Changements démographiques
Le changement climatique peut affecter la mortalité ou la reproduction des individus et donc la taille des populations. Les études montrant de tels effets sont relativement peu nombreuses, mais il semble d’ores et déjà que certaines espèces aient vu leurs populations diminuer ou augmenter suite aux changements
climatiques récents. C’est par exemple le cas d’une population de manchots empereurs Aptenodytes forsteri en Antarctique qui a diminué de 50 % suite à un réchauffement de la température de l’océan et à une diminution de l’étendue de la banquise en hiver.
Changements adaptatifs
Les espèces peuvent s’adapter, au point de vue évolutif, aux changements climatiques via le mécanisme de la sélection naturelle. Par exemple, la réponse physiologique à la température d’une espèce de jonc (Carex) a changé en l’espace de cent soixante-quinze ans, avec une sélection vers une meilleure tolérance aux températures élevées. Jusqu’à maintenant, très peu d’études ont été conduites sur les réponses adaptatives des espèces.
Changements de phénologie
La phénologie est l’étude des variations des phénomènes périodiques de la vie végétale et animale tels que le départ en migration des oiseaux ou la floraison des plantes. Les changements de phénologie constituent la meilleure évidence d’un impact des changements climatiques sur les espèces. Une étude globale des cycles d’activités saisonniers de 1 468 espèces de plantes et d’animaux, principalement de l’hémisphère nord, a mis en évidence un avancement des dates d’émergence ou de reproduction de cinq jours en moyenne par décade depuis trente ans. Par exemple, l’hirondelle de fenêtre arrive actuellement vingt jours plus tôt en moyenne qu’en 1970. Néanmoins, la durée de son séjour en Europe n’a pas changé, c’est-à-dire que la date de départ en migration vers l’Afrique a également avancé de vingt jours. Il semble que le retour plus précoce des hirondelles soit dû à un changement des conditions climatiques en Afrique (augmentation des températures hivernales) depuis les vingt dernières années plutôt qu’au changement climatique en Europe, bien que simultané. On voit donc là un effet du réchauffement global sur la phénologie d’une espèce, le réchauffement en Afrique provoquant un déclenchement plus précoce de la migration vers l’Europe, et le réchauffement en Europe permettant aux hirondelles d’y trouver de la nourriture suite à l’émergence plus précoce de leurs proies. Pour certaines espèces cependant, il peut y avoir un décalage entre les dates de départ des quartiers d’hiver et les conditions d’accueil sur les zones de reproduction, pouvant occasionner une augmentation de la mortalité ou une diminution de la reproduction.