Les modèles du changement climatique

 
Anticiper l’impact

Espaces naturels n°15 - juillet 2006

Le Dossier

Dr. Wilfried Thuiller
Laboratoire d’écologie alpine

 

La température moyenne à la surface du globe augmente depuis 1861. Au 20e siècle, le réchauffement était de 0,6 ° C ± 0,2 ° C concentré principalement sur deux périodes : 1910-1945 et 1976-2000. Par ailleurs, les données obtenues par satellite suggèrent que la couverture neigeuse a diminué d’environ 10 % depuis la fin des années 60. Quant aux observations au sol, elles indiquent que, sous les latitudes moyennes et élevées de l’hémisphère nord, la durée annuelle du gel des lacs et des cours d’eau a probablement diminué de deux semaines au cours de ce même siècle.
Scénarios et modèles
Aussi, afin d’appréhender le futur, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GEIEC) a élaboré plusieurs scénarios d’émission de gaz à effet de serre. Pour cela, il a tenu compte de plusieurs hypothèses d’évolutions démographiques, de transformations techniques, de revenus par habitant ou encore de richesses selon les régions. Ces scénarios ont ensuite été intégrés dans des outils de modélisation climatique1 permettant d’imaginer les possibles en matière d’évolution du climat. Ainsi, sur cette base et en fonction des évolutions socio-économiques envisageables, les écologues peuvent évaluer la réponse probable des espèces et des écosystèmes.
Pour simuler la réponse des espèces aux changements climatiques, différents types de modèles biogéographiques sont utilisés. Parmi ceux-ci, les modèles « basés sur les niches écologiques » sont les plus utilisés. Ces modèles simulent de manière statistique les combinaisons de variables climatiques, de sols ou d’utilisation des terres qui permettent à une espèce cible de survivre et de se reproduire.
L’aire de répartition actuelle de l’espèce rapportée au climat permet de caractériser des relations statistiques. Celles-ci sont alors utilisées pour identifier les régions favorables à l’espèce dans chacun des scénarios de changement climatique. Ainsi, la figure ci-dessous illustre la distribution du hêtre en 2050 selon le scénario climatique A1 (monde avec économie de marché globale, consommation de combustibles fossiles, équivalent à une augmentation de température de 4,1 ° C).
Une analyse récente réalisée sur plus de 1 350 espèces végétales en Europe a permis de montrer que la moitié des espèces étudiées pourrait perdre près de 50 % de leur aire de répartition actuelle. Les espèces à tendance tempérée (hêtre, pin sylvestre, chêne sessile) pourraient ainsi perdre une quantité substantielle de leur aire de distribution dans les zones en limites sud. En revanche, les espèces de type méditerranéen pourraient étendre leur distribution vers le nord. Ces résultats, pris dans un contexte continental, mettent en évidence la sensibilité accrue des zones de montagne au réchauffement climatique. Ils dessinent une perte de diversité importante due à l’incapacité des espèces caractéristiques des systèmes alpins de migrer plus en altitude (moins de sols à très haute altitude).
Les analyses ainsi réalisées demeurent limitées par les incertitudes inhérentes à la modélisation et à la faible connaissance scientifique de la réponse des espèces au changement climatique. Elles permettent néanmoins d’envisager les futurs paysages en Europe selon les scénarios de changement climatique.

1. Ces modèles climatiques projettent l’évolution des concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre et d'aérosols et leurs conséquences sur le climat.

En savoir plus
site du CNRS
www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim/
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