Conseils pour conduire une étude sur la valeur d’un espace protégé
Aucune recette miracle ne permet d’évaluer exhaustivement la valeur économique d’un espace naturel. En revanche, il existe un certain nombre de méthodes scientifiquement reconnues et qui permettent, chacune sous des angles différents, de donner un coup de projecteur particulier sur cette valeur économique en mesurant ou estimant un ordre de grandeur de certains de ses éléments. Compte tenu du coût de ces études, il est important d’identifier l’angle d’observation que l’on souhaitera privilégier : retombées économiques monétaires, aménités et retombées sociales, services environnementaux, valeur économique totale, analyse coûts-bénéfices…
On est plus intelligent à plusieurs.
Il est prudent de ne pas se lancer seul dans une telle étude et de s’entourer d’un comité de pilotage comprenant des économistes, des organismes ayant déjà piloté une telle étude et des personnes connaissant bien le territoire et les différentes activités qui le font vivre. Ce comité pourra notamment être consulté sur le projet de cahier des charges, sur le choix du prestataire et sur les résultats des études.
Identifier les éléments de valeur.
La deuxième étape consiste à élaborer un tableau des éléments de valeur du territoire (par exemple en s’inspirant de la typologie du Credoc). Il s’agit de construire une liste, aussi exhaustive que possible, des effets économiques potentiels de l’espace protégé (emplois, productions primaires, usages récréatifs et touristiques, compétences, services environnementaux, aménités, intérêt culturel ou scientifique…) et d’identifier les sources d’informations existantes auprès de l’organisme de gestion (comptages de visiteurs, enquêtes anciennes, connaissance du territoire et ses acteurs, gestion de subventions…) auprès d’organismes spécialisés (chambres consulaires, services statistiques agricoles, Insee) ou encore internet. D’autres nécessiteront des enquêtes rigoureuses que seul un spécialiste pourra réaliser.
Il s’agira ensuite d’identifier parmi ces différents éléments lesquels sont prioritaires et pertinents à étudier.
Rédiger un cahier des charges.
La troisième étape consiste à rédiger, pour chacun des éléments de valeur retenus, un module d’étude ou d’enquête permettant de l’évaluer. Ainsi les retombées économiques monétaires seront approchées par des analyses budgétaires, une analyse Input-Output (voir glossaire, p. 27) ou encore des enquêtes d’attractivité intégrant la structure des dépenses des visiteurs. Les aménités et services sociétaux seront cernés par des enquêtes mettant en évidence les préférences révélées (méthode des coûts de transport) ou déclarées (évaluation contingente). Les services environnementaux seront estimés par leurs coûts d’évitement ou de remplacement. Dans certains cas, des complémentarités sont possibles entre les différents modules d’études qui pourront être articulés (rassembler les données économiques générales avant de lancer une enquête ciblée auprès des entreprises) ou conjugués (la connaissance de la structure des dépenses des visiteurs renseigne à la fois les flux de l’économie touristique et la valeur que ces visiteurs accordent à l’espace protégé). Enfin, il faut être conscient du risque de double compte attaché au recours à des angles d’attaque différents. Ainsi, comptabiliser les emplois d’éleveurs et de bergers et évaluer la production primaire d’herbages sont deux manières d’appréhender la même retombée économique d’un espace naturel pâturé. C’est pourquoi la synthèse de l’étude ne saurait se limiter à une simple addition des valeurs mises en évidence par les différents modules.
Compte tenu de l’incertitude sur les coûts qui découleront de l’appel d’offres, il peut être prudent de distinguer dans le cahier des charges une tranche ferme, dans laquelle on rassemblera les modules prioritaires, et une tranche conditionnelle que l’on réalisera si les ressources sont suffisantes.
Financer l’étude.
L’étude des éléments de valeur du Parc national de Port-Cros montre que, même sur un petit territoire, le coût d’un seul module peut varier entre 7 000 et 45 000 e TTC. C’est pourquoi on cherchera le soutien de certains partenaires (État, Agences de l’eau, collectivités territoriales, acteurs économiques…) qui peuvent trouver un intérêt à contribuer au financement de certains volets.
Choisir le prestataire compétent.
L’analyse des offres doit prendre en compte le coût de la prestation mais également la qualité du mémoire afin de s’assurer que la question est bien comprise, que le candidat maîtrise le sujet et qu’il peut produire des références techniques comparables. Il est surtout important que le personnel en charge de l’étude possède les compétences requises : on ne s’improvise pas expert en analyses contingentes par exemple.
Suivre et accompagner l’étude.
Le suivi de l’étude nécessite un contrôle des prestations à certaines étapes clés convenues avec le prestataire, notamment la définition des cibles d’enquêtes (qui, quand et où enquête-t-on ?), le contenu et le type de questionnaires (par téléphone ou face à face ?), lesquels auront obligatoirement été testés.
Il apparaît également indispensable de faire visiter le territoire aux enquêteurs, de leur en expliquer les enjeux et de les présenter aux équipes en charge de l’espace protégé. Il faudra aussi penser à prévenir les publics enquêtés en face à face et à les remercier pour le temps consacré à répondre aux questions.
Restituer les résultats de l’étude.
L’étude terminée, une restitution devant l’équipe de l’organisme de gestion, les élus et les acteurs économiques est très souhaitable. Il importera de soigner la communication de sorte que les résultats de l’enquête soient compréhensibles et appropriables par un public de non-économistes.