La méthode Pastor’Ajust

Une gestion pastorale du point de vue du troupeau

 

Espaces naturels n°36 - octobre 2011

Méthodes - Techniques

Cyril Agreil
Société coopérative Scopela
Gérard Guérin
Société coopérative Scopela
Philippe Mestelan
Société coopérative Scopela

La démarche Pastor’Ajust se met en œuvre par étapes et permet une gestion pastorale adaptative pour atteindre des résultats agricoles et écologiques.

La gestion pastorale consiste à organiser la rencontre entre des troupeaux, dont les besoins alimentaires varient, et des végétations dont les disponibilités et les sensibilités écologiques fluctuent. Or, certaines variations sont prévisibles (stades physiologiques des animaux, périodes de croissance ou de maturation de la végétation), tandis que d’autres non (aléas climatiques, interaction complexe des végétations, impact de la faune sauvage…). Aussi, à l’encontre de la démarche classique, la démarche Pastor’Ajust consiste à favoriser des ajustements de la gestion pastorale par l’observation des impacts du troupeau sur la végétation.
Elle revendique l’intérêt agronomique des végétations dites pauvres en identifiant des objectifs concrets d’état de végétation à atteindre, par et pour la conduite du troupeau.
Ainsi, les techniciens et éleveurs raisonnent la place des végétations hétérogènes dans le système fourrager du point de vue de l’animal. Ils anticipent puis vérifient l’impact du troupeau sur les dynamiques de végétations.

Connaître la valeur agronomique. La démarche propose tout d’abord de connaître la valeur agronomique des végétations hétérogènes et diversifiées. Celle-ci est revalorisée par rapport aux référentiels classiques grâce à une meilleure connaissance de leur biomasse, de l’appétence de ces fourrages particuliers, de leur valeur nutritive et de leur capacité à se maintenir dans le temps et à se renouveler.
Il s’agit alors de consacrer du temps à la traduction des enjeux en objectifs agri-environnementaux atteignables par les éleveurs, en fonction de l’impact du troupeau sur la végétation.
Cette traduction est plus facile si l’on se pose la question des menaces qui pèsent sur les qualités écologique et pastorale des milieux. Par exemple, les dynamiques de fermeture des milieux ou la diminution de la diversité floristique sont des menaces qui pénalisent à la fois la valeur agricole et écologique.

Considérer l’éleveur. Dans une seconde étape, Pastor’Ajust met en dialogue ce diagnostic des végétations avec le fonctionnement du système d’alimentation du troupeau. En effet, pour aller au-delà d’une seule expertise agri-écologique et rentrer dans une véritable gestion pastorale, il s’agit de considérer aussi l’éleveur, son projet et ses pratiques.
La caractérisation du fonctionnement du système d’alimentation du troupeau consiste à comprendre la logique de l’éleveur pour la conduite du pâturage tout au long de l’année et le rôle qu’il donne aux parcelles concernées. On s’aperçoit alors de la complexité et de la variabilité des pratiques mises en œuvre par les éleveurs.
Ces deux étapes doivent permettre de s’accorder sur des objectifs agri-environnementaux, et d’éviter la confrontation encore trop fréquente entre enjeux agricoles et écologiques (et entre acteurs). Pour cela, il est souvent plus cohérent de proposer des résultats à atteindre, des états de végétation localisés sur certaines zones, et de construire avec l’éleveur les règles pour ajuster ses pratiques en fonction de l’évolution de la végétation, du comportement de son troupeau, ou du climat de l’année… On construit ainsi un socle de discussion technique entre agriculteur et gestionnaire, pour la suite.
La mise en œuvre de la gestion pastorale devient alors une affaire technique, qui trouve sa place dans l’organisation quotidienne, saisonnière et annuelle de l’alimentation du troupeau, et qui s’appuie sur le savoir-faire des éleveurs.

Ajustement. Viennent ensuite les étapes de suivi et d’ajustement. La démarche propose des indicateurs pour évaluer si le troupeau fréquente la zone, s’il consomme la végétation à impacter. De même, des indicateurs permettent d’évaluer la dynamique de végétation. L’enjeu principal est de parvenir à comprendre, avec une observation ponctuelle, l’impact du troupeau sur une dynamique de végétation (colonisation, stabilité, ou régression). Les indicateurs classiques, décrivant les taux de recouvrement, sont alors disqualifiés au profit de ceux décrivant les formes de régénération des végétations cibles (semis, rejets…). Enfin, une clé est proposée pour interpréter les observations et discuter avec l’éleveur des possibilités d’ajustement de pratiques : faire évoluer la circulation, le comportement alimentaire du troupeau et son impact sur la végétation…
La démarche Pastor’Ajust incite à chercher les synergies, elle vise à ouvrir un espace de collaboration et d’apprentissages mutuels, en explicitant les liens entre la conduite technique et les objets biologiques gérés.