Piroguier ? Il faut connaître le fleuve, intimement
Enfant du fleuve, Robert Doudou a aujourd’hui la trentaine. Depuis l’âge de cinq ans, il conduit la pirogue. Une petite d’abord. Pour apprendre. Puis une plus grande, pour son compte et, plus tard, pour la gendarmerie.
Piroguier-layonneur-charpentier, cet homme sportif et massif appartient à la communauté des Bonis et travaille pour le Parc national amazonien de Guyane, à la délégation du Maroni.
« Piloter une pirogue, c’est un long apprentissage, sourit-il. Pour s’engager sur un fleuve, il faut le connaître parfaitement. Il y a les rochers qui affleurent à la saison des basses eaux, les sauts à passer au bon endroit, et les risques qu’il faut savoir ne pas prendre. »
Cela requiert des nerfs aussi ! Chacun le sait, le métier de piroguier peut s’avérer dangereux. La nuit tombe tôt sous l’équateur et les retours nocturnes ne sont pas rares.
En période sèche, Robert et ses collègues s’aventurent entre les rochers à la seule lueur d’une torche. D’ailleurs, certaines nuits, « cela ne passe pas », ils doivent alors immobiliser l’embarcation, l’alléger et transborder à dos d’homme les centaines de kilos de matériel. Puis, à nouveau, pousser la pirogue, recharger et repartir. Quand c’est possible ! En effet, ils doivent quelquefois rester là et monter le bivouac.
Un métier « mental » tout autant que physique. Le piroguier doit apprendre à lire le fleuve et anticiper les différents aspects de la course dont il est le garant du déroulement sécurisé. Avant le départ, le conducteur vérifie donc avec soin et systématisme l’état de la pirogue. Son moteur en premier lieu. Un geste technique et vital car si le moteur lâche dans la remontée d’un saut (un rapide), l’embarcation (et tout ce qu’elle contient) risque de se fracasser sur les rochers.
L’agent du parc va ainsi veiller au bon chargement de son embarcation : à l’équilibrage du matériel, l’emplacement des passagers. Avec lui, il emportera les matériels de secours et de réparation indispensables à une mission de plusieurs jours. Robert Doudou a travaillé onze ans pour la gendarmerie avant de « passer » au parc. Intéressé par la diversité des missions possibles à ce nouveau poste. Et, effectivement… contrairement à une administration classique qui cantonne le piroguier au pilotage exclusif de son embarcation, le Parc national amazonien de Guyane mise sur la polyvalence de son personnel. Ainsi Robert est aussi layonneur. Une activité qui consiste essentiellement à tracer des sentiers (layons) dans la forêt. Pas si simple…
La méthode du layonnage est utilisée par les scientifiques du parc pour faire des comptages faune ou flore. Le layon devra donc être rectiligne, nettoyé au sol, balisé tous les cent mètres et d’une longueur totale de trois kilomètres : il faut passer partout.
D’autres missions ? Dans le cadre d’un échantillonnage visant la réalisation d’une carte d’abondance, l’agent participera au comptage. Il devra progresser à la vitesse précise d’un kilomètre à l’heure et parcourir son layon en pointant au GPS tout animal rencontré. Aller-retour, il faudra au minimum six heures de marche dans la forêt guyanaise.
Au parc, Robert est aussi charpentier. Une réalité amazonienne qui diffère quelque peu de la définition lexicale : avec ses collègues, ils réalisent la construction de passerelles en bois ou de rambardes sur des itinéraires de découverte, des carbets (cabanes), refuges et, actuellement, le bâtiment qui fera office de siège de l’antenne de Papaïchton.
Ce sont ces compétences exceptionnelles de connaissance fine du terrain, associée à une évidente polyvalence technique que le parc recherche au travers de ses piroguiers-layonneurs-charpentiers.