Beauport

Pommes de reinette et pommes d’abbaye

 

Espaces naturels n°41 - janvier 2013

Gestion patrimoniale

Dominique Beauvais
Association pour la gestion et la restauration de l’abbaye de Beauport

 

À Beauport, un verger conservatoire permet de préserver un patrimoine fruitier menacé par la standardisation et l’homogénéisation des variétés commercialisées. Mais également d’assurer la pérennité d’un réservoir génétique.

Pour préserver un patrimoine fruitier ancestral menacé face à la standardisation et à l’homogénéisation des variétés commercialisées ; pour assurer la pérennité d’un réservoir génétique, l’abbaye de Beauport présente aujourd’hui un verger conservatoire de trois cents pommiers hautes-tiges, entretenu par pâturage bovin/ovin. Mise en place depuis 1997, cette culture préserve la soixantaine de variétés exclusives du site. En effet, c’est au 18e siècle que remonte la première mention de vergers à l’abbaye de Beauport. Et, lorsqu’en 1997 le Conservatoire du littoral et l’Association pour la gestion et la restauration de l’abbaye, respectivement propriétaire et gestionnaire, s’intéressent au verger, la centaine de pommiers relictuels offre une grande diversité de fruits et de saveurs, en dehors des variétés classiques standardisées… Mais aucune archive ni transmission orale ne permet d’identifier ce patrimoine.
Associant les partenaires régionaux, un travail de longue haleine d’identification des variétés débute. La dissociation des doublons, la codification et la cartographie des vergers permettent finalement de recenser une soixantaine de variétés, pour la plupart inconnues en dehors des murs de l’abbaye. Les caractéristiques biologiques et chimiques de chaque variété ont été décrites et un code permet d’individualiser chaque arbre. Seules quelques variétés ont pu être nommées, pour les autres, ont-elles déjà eu un nom, reste-t-il des « variétés reliques » de la période monastique ? Rien ne permet de le certifier. Afin de sauvegarder ce patrimoine variétal, la plantation de porte-greffes et le greffage ont permis la reconstitution du verger. Pour sécuriser la conservation, chaque variété est représentée par le pied mère et deux jeunes arbres.
Le résultat inhérent de ce travail conduit inéluctablement vers une production conséquente. À maturité, le verger devrait fournir environ quarante tonnes de pommes par an. Des premiers essais à petite échelle est né un cidre atypique apprécié, issu d’un assemblage variétal judicieux. À terme, l’implication d’un professionnel exploitant semble être la seule solution raisonnable pour gérer de tels volumes.
Utilisé comme support pédagogique de sensibilisation à la préservation du patrimoine fruitier, un verger conservatoire est aussi un outil pour aborder des notions plus générales de conservation de la biodiversité.
L’expérience du verger conservatoire de l’abbaye de Beauport est une preuve – s’il en fallait une – que ce patrimoine peut à nouveau être valorisé en harmonie avec une qualité paysagère et biologique dans le respect d’une tradition séculaire. •