Pas-de-Calais

Schéma de cohérence des boisements

 
Qui a peur de la cartographie ?

Espaces naturels n°41 - janvier 2013

Aménagement - Gouvernance

Maxime Lemaire
PNR des caps et marais d’Opale

 

Pour pallier le développement arnarchique, et dommageable pour la biodiversité, des surfaces de boisements, le Parc naturel régional des caps et marais d’Opale réunit les acteurs du territoire : « construisons ensemble un schéma de cohérence des boisements, cartographions les zones ». C’était sans compter les réticences vis-à-vis de la cartographie.

Un développement important de plantations boisées peut contribuer à un mitage de l’espace, à une banalisation des paysages, à un appauvrissement de milieux remarquables ouverts. Parfois même, il en résulte un développement anarchique avec pour conséquence une réduction significative des espaces à vocation agricole. D’autres fois, en revanche, les essences et leur lieu d’implantation contribuent à renforcer une trame écologique.
Le Parc naturel régional des caps et marais d’Opale n’échappe pas à cette réalité. Un regard sur l’occupation du sol montre qu’entre 1998 et 2005, plus de 800 hectares ont été boisés.
Aussi, pour que les futurs projets de boisements soient en cohérence avec les enjeux du territoire, le parc a souhaité offrir un outil innovant permettant d’édicter des prescriptions. Il s’est ainsi engagé dans l’élaboration d’un schéma de cohérence des boisements (Scob) visant à définir un cadre pour la constitution de boisements nouveaux.
Scob ! Le terme est une invention en référence au Scot (schéma de cohérence territoriale). Et, s’il n’a donc pas de valeur réglementaire, il s’avère être néanmoins un document de référence. Ainsi, par exemple, il peut constituer un support pertinent lors de la mise en œuvre d’une réglementation de boisement ou d’une démarche de contractualisation visant à assurer une gestion raisonnée de l’accueil des boisements. Dans sa philosophie, cet outil vise à renforcer la biodiversité, à répondre à une logique de fonctionnalité paysagère et économique, sans compromettre l’avenir de l’agriculture et les paysages identitaires du territoire.

Mise en œuvre. Le Scob vise des objectifs très opérationnels. Un support cartographique au 1/25 000e devait permettre d’identifier trois différentes zones : les zones où le boisement peut mettre en péril les équilibres (boisement à éviter irrémédiablement) ; les zones où les boisements sont possibles, mais où des conditions doivent nécessairement être fixées pour maintenir les équilibres (maîtrise de la localisation, des surfaces plantées, des types de boisement, des essences, etc.) ; les zones où les boisements seraient propices à l’amélioration de la fonctionnalité écologique du territoire (continuité entre massifs, protection de la ressource en eau, protection des sols, reconstitution de ripisylves…). Objectif ambitieux que de figer sur la carte, à une échelle si fine, des éléments de contraintes !
Démarche d’autant plus audacieuse qu’elle affichait la volonté de réunir l’ensemble des acteurs concernés avec l’ambition d’apporter cette réponse opérationnelle. Le parc faisait par ce biais le pari de la concertation, pour sensibiliser les acteurs à la multiplicité des enjeux. Un comité technique a été mis en place.
En son sein, les partenaires techniques et les élus ont reçu très positivement l’initiative. Celle-ci, en effet, répondait à une réelle attente, notamment des édiles.
L’accueil, en revanche, a été plus mitigé du côté des membres du comité de suivi de l’étude. Ceux-ci ont manifesté certaines inquiétudes quant à la définition d’un zonage d’une telle précision. Leur crainte principale étant que le Scob soit considéré comme un document réglementaire et qu’il soit utilisé comme tel. D’autres ont mis en avant le risque d’une confusion avec la procédure de réglementation des boisements, du ressort du conseil général. En tout état de cause, le fait de mettre à plat les enjeux liés au boisement et donc d’aborder des questions liées aux usages du sol et à la propriété privée, inquiétait.

Réorienter la démarche. Les agents du parc ont redoublé d’efforts pour mettre en avant la dimension pédagogique de la démarche. Ils ont multiplié échanges et rencontres avec les différents partenaires, désamorçant certaines inquiétudes et laissant le terrain propice à la poursuite du dialogue. Néanmoins, un blocage subsistait. Le principe de cartographier des zones avec précision générait la crainte que ce document ne soit utilisé à d’autres fins, voire interprété au-delà des intentions des auteurs.
Aussi, face aux inquiétudes formalisées et réitérées et afin de ne pas casser cette dynamique partenariale, l’objectif d’aboutir à un zonage a été abandonné. Le groupe préférant s’orienter vers la mise en place d’outils permettant d’appréhender un boisement sous l’angle de la qualité de l’habitat.
Ainsi, deux clefs, de localisation et de détermination d’espaces, ont été arrêtées. Ces outils d’aide à la décision permettent d’apprécier la pertinence d’un futur boisement en analysant de façon fine l’ensemble des paramètres à prendre en compte : situation du terrain, nature de l’occupation des sols, environnement immédiat, présence d’un corridor boisé à conforter…
L’ensemble de ces éléments doit permettre de préciser, le cas échéant, si le boisement est à favoriser ou, à l’inverse, ne pas être encouragé. Le tout est accompagné de conseils.
De par leur co-construction avec les partenaires techniques et la volonté de prendre en compte bon nombre de critères, ces outils ont été bien reçus. Certains partenaires, qui étaient favorables aux zonages, ont même appuyé pour qu’ils aboutissent.

Expérimental. La démarche d’élaboration du Scob reste expérimentale, avec des adaptations à prévoir au fur et à mesure de la maturation du projet. Ses initiateurs avaient conscience des difficultés qui les attendaient. Par souci d’associer l’ensemble des partenaires techniques, apportant richesse mais générant également des obstacles liés à la diversité des visions et approches, le projet a nécessité du temps.
Le bilan laisse apparaître un travail de concertation, d’écoute, de sensibilisation et de négociation. Celui-ci laissera des traces.
Et, si les objectifs initiaux n’ont pas totalement été atteints du fait, notamment, de la volonté d’aboutir à un outil consensuel (la recherche d’un compromis ayant fait loi), une autre étape est en cours. Elle consiste à faire vivre cet outil au travers son utilisation par l’ensemble des partenaires techniques et à partir d’une animation de proximité sur le territoire. •