Rencontre avec Mathieu Bellay

« Les scouts vont plus loin dans leur rapport à la nature »

 

Espaces naturels n°41 - janvier 2013

Pédagogie - Animation

Mathieu Bellay
Coordinateur éducation nature Scouts et guides de France

 

Vous dites que les Scouts et guides de France veulent, aujourd’hui, aller plus loin dans le rapport à la nature. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Proposer des activités dans la nature est le fondement de la méthode scoute qui éduque filles et garçons à l’autonomie, à la vie en communauté, à la citoyenneté, à l’engagement. Vivre un camp, en groupe, en pleine nature, constitue une pédagogie de l’action par le projet. Cependant, la nature est aussi un espace vital pour l’homme. La transition écologique dans laquelle notre société s’engage nécessite obligatoirement une action éducative et la participation active des jeunes.

Vous avez donc décidé d’être des acteurs engagés de cette transition…
Forts de notre art de vivre dans la nature, nous voulons proposer des projets porteurs de sens à nos jeunes, volontaires de changement, afin qu’ils apprennent à connaître, à aimer, à respecter et à protéger la nature. En juillet 2011, à Cussac Fort Médoc, un rassemblement a réuni 10 000 scouts et guides de France de 14 à 17 ans. Il s’appuyait sur un partenariat avec le Conservatoire du littoral. Je ne vous livrerai pas tous les détails de cette expérience hors du commun, mais sachez qu’à l’issue de cet événement, les jeunes ont écrit une Parole citoyenne nationale dans laquelle ils s’adressent aux élus : « Nous voulons un monde où la Terre serait respectée par tous, où chacun s’impliquerait à son échelle, où la protection de l’environnement serait généralisée. Notre société doit faire le choix de changer ; il ne suffit pas de penser, il faut agir, dès maintenant, pour demain. »

Pourquoi chercher des partenariats avec les gestionnaires d’espaces naturels ? Votre expérience est assez nourrie…
Pour que nos projets soient porteurs d’une signification profonde, ils doivent s’inscrire dans une dynamique sociale et territoriale existante. Nous ne pouvons agir seuls, isolés. Les projets que nous développons par nous-mêmes restent limités.
Les expériences fortes que nous avons vécues ces dernières années ont déployé tout leur sens dès lors que nous avons su associer notre expérience éducative et l’envie d’agir des jeunes scouts et guides avec les savoirs des professionnels de la nature et leurs projets.
Par ailleurs, ces professionnels ont une connaissance fine du milieu. Nos animateurs sont de jeunes adultes bénévoles qui, même s’ils sont habitués à l’animation en extérieur, possèdent un savoir limité. L’éclairage d’experts leur permet de mieux comprendre les écosystèmes.

Vous avez travaillé avec plusieurs partenaires, la Ligue de protection des oiseaux, le Conservatoire du littoral ; cette année par exemple, vous avez conduit un projet avec le Parc naturel régional de Loire Anjou Tourraine. Qu’attendiez-vous des professionnels de la nature dans un tel projet ?
Ce projet était animé par un volontaire en service civique Scouts et guides de France. Sa force était de s’inscrire dans une action existante car nous souhaitons être utiles et actifs dans la société. Ainsi, 340 jeunes de 6 à 20 ans ont pu participer au programme d’inventaire des orchidées du parc, à la sensibilisation du public à la nidification des sternes ou encore à l’aménagement d’un site médiéval.

La culture scout et celle des professionnels de la nature ne sont pas tout à fait les mêmes. Y a-t-il des moments où les intérêts du gestionnaire de la nature et celui de l’éducateur entrent en conflit ?
Notre pédagogie repose sur le fait de faire du feu, de courir, de grimper… Un camp scout sans veillée, sans cuisine au feu de bois, perd en intérêt. Cela ne nous empêche pas de vivre la découverte de la nature dans des milieux plus fragiles, sans faire de feu ni grimper aux arbres. La nature « sous cloche » ne nous intéresse pas. Plutôt que d’interdire, nous cherchons à comprendre et à expliquer. Mais nous n’avons pas besoin de nous installer dans des endroits particulièrement sensibles ou dans des lieux fréquentés par des espèces rares. Nous cherchons simplement à découvrir des lieux qui ont une âme. Les gestionnaires savent nous y aider. Ils savent aussi sensibiliser nos éducateurs à la protection du milieu.
Récemment à Saint-Denis-du-Payré, en Vendée, nous avons mis en place des couloirs d’accès à une zone humide pour canaliser le public. Le chantier était encadré par la LPO. Nous avons alors participé à la sensibilisation du public et nous comptons réitérer l’expérience.

Que découvrent les professionnels de la nature à votre contact ?
Ils découvrent notre savoir-faire spécifique. Ils peuvent aussi toucher un nouveau public, qui sait ensuite se rendre utile au projet général et devient ambassadeur des enjeux écologiques. •