Suivi temporel des libellules

Steli : petit nom pour libellules

 

Espaces naturels n°35 - juillet 2011

Gestion patrimoniale

Cédric Vanappelghem
CEN du Nord et Pas-de-Calais
Anne-Laure Gourmand
MNHN
Xavier Houard
Opie

Le Plan national d’actions en faveur des odonates a été validé en juin 2010 par le Conseil national de protection de la nature. Il vise la restauration de l’état de conservation des espèces de libellules menacées en France. Il concerne également les espèces communes.

Sauriez-vous dire si la petite nymphe au corps de feu, espèce commune, est ou non en déclin ? Sauriez-vous dire si le sympètre méridional est plus présent dans la moitié nord de la France ?
Validé en juin 2010, le plan national d’actions en faveur des odonates devrait notamment permettre de répondre à ces questions. Car, si l’atlas de distribution (les cartes sont disponibles sur le site de la Société française d’odonatologie) réunit plus de 400 000 données de localisation, nous n’avons aucune donnée fiable sur l’évolution des populations, mis à part quelques espèces en expansion géographique.
Aussi, à l’instar du programme Stoc qui, pour les oiseaux communs, nous éclaire sur les tendances des populations à la fois par espèce et par groupe fonctionnel, le but du programme odonates est de proposer une méthode permettant d’obtenir les tendances d’évolution des populations pour un maximum d’espèces de libellules en France. Avec un espoir : que les données soient suffisantes pour que la détermination soit possible à différentes échelles territoriales.
Le gestionnaire pourra mettre en perspective les évolutions observées sur un site avec celles du niveau national ou régional.
Sous l’impulsion de l’association néerlandaise De Vlinderstichting, et avec les programmes naissants en Angleterre (British Dragonfly Society), le Steli contribue également à l’émergence d’un indice européen. Celui-ci autorisera une troisième échelle d’analyse et un outil d’évaluation des politiques européennes.

Sciences participatives. Voilà pour les ambitions. Mais que valent-elles sans moyens ?
La Société française d’odonatologie, et l’Office pour les insectes et leur environnement ont sollicité la cellule Vigie-nature du Muséum national d’histoire naturelle. Ensemble, ils ont initié le projet Steli (Suivi temporel des libellules). Celui-ci entre dans la famille des sciences participatives. Le défi vise à développer un suivi facile, rapide, informatif et pertinent !
Devant les grandes fluctuations des effectifs de libellules d’une année à l’autre, d’un jour à l’autre, le challenge est difficile. Impossible de se fier à un simple comptage pour représenter l’effectif d’une population. Il faut soit multiplier les comptages sur une saison (au risque de démotiver les participants), soit trouver une autre méthode…
Aussi le Steli utilise-t-il des modèles statistiques qui ne comptabilisent pas les effectifs des espèces observées mais s’appuient sur la seule présence ou absence (l’observateur note 0 ou 1) des espèces. Celle-ci est constatée lors de trois sorties rapprochées sur un même site, choisi par le Stelien.

Comment cela marche ? Sachant que l’absence d’observation ne signifie pas forcément l’absence d’espèce, le modèle considère la détectabilité, en quelque sorte la facilité à observer l’espèce (en fonction de l’abondance de celle-ci). 
Pour aboutir à des conclusions fiables, et produire un indice d’évolution des populations, le modèle utilise les résultats (les histoires, dit-on) des trois sorties successives. Le protocole Steli permet de s’adapter aux différents niveaux de connaissance des observateurs. Les identifications peuvent varier en allant de l’espèce (observation fine) au groupe d’espèces. Il n’est donc pas exigé une connaissance parfaite des odonates pour pouvoir participer à ce projet.
Par ailleurs, la souplesse du Steli est compatible avec les suivis entomologiques mis en place sur les sites gérés pour la conservation de la nature. Grand public, amateurs, naturalistes et gestionnaires, tout un chacun peut apporter une pierre à l’édifice.