Odile Gauthier, Directrice de l’eau et de la biodiversité au ministère en charge de l’écologie.

Stratégie nationale de création d'aires protégées

 
L'entretien

 

 

 

 

 

La loi prévoit la mise en place d’une stratégie nationale de création d’aires protégées (Scap) visant à placer sous protection forte, d’ici dix ans, 2 % au moins du territoire terrestre métropolitain. 2011 sera une année charnière pour les services déconcentrés de l’État qui doivent décliner, au niveau régional, les priorités de cette stratégie. Par quel bout prend-on les choses ?
Nous avons commencé par identifier, au niveau national, les lacunes de notre réseau d’espaces protégés, puis nous avons défini des priorités, en termes de création d’aires protégées, pour y remédier. Ce diagnostic patrimonial a nécessité plus d’un an. Nous avons sollicité les gestionnaires d’espaces naturels et travaillé avec de nombreux experts : le Muséum national d’histoire naturelle, coordonnateur scientifique des travaux, mais aussi la Fédération des conservatoires botaniques nationaux, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’Office pour les insectes et leur environnement, la Conférence permanente du patrimoine géologique et le Comité national du patrimoine souterrain. C’est la première fois qu’une telle démarche est entreprise à l’échelle nationale. Je souhaite d’ailleurs l’améliorer et la pérenniser. Elle devrait contribuer à mieux structurer les données et mieux identifier les besoins en connaissances dans notre réseau d’espaces protégés.

Placer 2 % du territoire terrestre métropolitain sous protection forte… Encore un objectif quantitatif ! ?
Il faut absolument dépasser cette vision surfacique et privilégier une approche qualitative.
2 %, c’est un indicateur qui permet d’appréhender l’ampleur de la tâche et de mesurer l’avancement du chantier : concrètement, cela signifie que nous devons placer plus de 400 000 hectares sous protection forte d’ici 2019. Mais, en pratique, se focaliser sur cet objectif quantitatif risque de créer un clivage entre les outils de protection « forte » et les autres. Distinguer d’un côté les outils réglementaires qui contribuent à atteindre l’objectif de 2 % – cœurs de parcs nationaux, réserves naturelles (régionales, nationales ou de Corse), réserves biologiques, et arrêtés de protection de biotope – et de l’autre, par exemple, des outils fonciers ou contractuels qui participent tout autant à la préservation du patrimoine naturel, est difficilement envisageable. Il faut réfléchir à l’échelle globale du réseau.

… Mais comment faire ?
La question essentielle n’est pas de savoir s’il s’agit de protection forte ou pas mais si un outil est adapté à une situation ou non. Opter pour l’outil de protection le plus approprié et voir comment ce choix s’insère dans une stratégie de conservation à l’échelle régionale : ce sont là les véritables enjeux. Ce qui conduira d’ailleurs à une meilleure complémentarité entre les différents outils de protection disponibles.

Le concept de stratégie sous-tend une vision à long terme. Que va-t-on faire de plus qui n’ait déjà été fait ?
Nous devons renforcer notre réseau d’espaces protégés, non par une démarche nationale descendante et unilatérale mais en définissant un cadre d’actions partagé à l’échelle régionale, permettant de répondre aux enjeux de conservation identifiés dans le diagnostic patrimonial. Les préfets de région, qui ont la responsabilité de concevoir les déclinaisons régionales de la Scap, vont devoir créer des synergies avec les acteurs du territoire, notamment avec les conseils généraux et régionaux. De ce point de vue, nous attendons des gestionnaires d’espaces naturels qu’ils participent à cette démarche. Ils disposent d’une solide connaissance de leurs territoires et d’une ingénierie dans le domaine des aires protégées qui pourront utilement être valorisées. Par ailleurs, il sera aussi nécessaire d’articuler la Scap avec les autres politiques, je pense notamment à la Trame verte et bleue, objet du dossier d’Espaces naturels.