>>> PNR Caps et marais d’Opale (Pas-de-Calais)

User des mares

 
Concilier abreuvement du bétail et biodiversité

Espaces naturels n°21 - janvier 2008

Méthodes - Techniques

Thierry Mougey
PNR Caps et marais d’Opale
Ludovic Lemaire
PNR Caps et marais d’Opale
 

Comblement volontaire ou absence d’entretien… La perte de nombreux usages anciens a provoqué une disparition progressive des mares avec, pour conséquence, la raréfaction de nombreuses espèces animales et végétales inféodées. Œuvrant à contre-courant, le parc naturel régional des Caps et marais d’Opale et trois groupements d’intérêt cynégétique1 (GIC) tentent depuis 2000 d’inverser la tendance… Ils cherchent notamment à rendre aux mares leur fonction d’abreuvement du bétail dans les pâtures localisées loin des sièges d’exploitation. Pour les éleveurs, l’intérêt économique est évident : une eau gratuite et une facture énergétique réduite. Amener de l’eau dans les pâtures avec une tonne à eau n’est plus nécessaire. Une condition cependant : disposer d’une eau de qualité pour ne pas s’exposer à des risques sanitaires.
L’intérêt des mares semblait donc patent pourtant, dans les faits, les éleveurs restaient attentistes.
En effet, si une aide financière pouvait être accordée dans le cadre des mesures agri-environnementales2, le cahier des charges de la mesure « restauration de mares et plans d’eau » était jugé « intéressant mais non optimal ». Celui-ci prévoyait l’obligation, après débroussaillement et curage de la mare, de la clôturer sur trois côtés. Les animaux s’abreuvent par le côté resté libre mais des bouses peuvent tomber dans l’eau et en altérer la qualité.
Forts de ce constat, le parc et les trois groupements d’intérêt cynégétique du territoire décident d’expérimenter un autre type d’aménagement permettant un abreuvement à distance. La mare est complètement clôturée (les clôtures sont posées à deux mètres du bord) et c’est une pompe de prairie (une pompe pour dix à quinze bovins) qui draine l’eau. Les animaux peuvent donc boire sans contact direct avec la mare. L’apport en matière fécale est stoppé, ce qui réduit les risques de parasitismes engendrés.
L’aménagement réalisé de longue date par un agriculteur (visionnaire ?) travaillant sur le territoire du parc a servi de modèle.
Entre 2000 et 2006, quinze mares ont ainsi été aménagées. Leur surface moyenne est de 15 m x 15 m, leur profondeur d’1,5 m maximum ; elles disposent de pentes douces et de berges naturelles. L’opération a coûté environ 1 000 euros par mare, incluant le débroussaillage, le curage, le clôturage et l’installation d’une pompe de prairie. Le matériel et les travaux ont été financés à 80 % par le parc3. Chaque mare fait l’objet d’une convention pour dix ans entre le parc, le GIC, le propriétaire du terrain, le détenteur du droit de chasse et l’exploitant agricole. Un entretien régulier est nécessaire pour éviter un envahissement progressif de l’ensemble de la mare par la végétation.
Ce type d’aménagement a aujourd’hui fait ses preuves. Il a été défendu en 2006, lors d’une réunion sur les mesures agri-environnementales au ministère de l’Agriculture, ce qui a permis de l’intégrer dans le nouveau dispositif des MAE 2007-2013. À chacun désormais de le promouvoir dans les campagnes…

1. Les GIC : de la vallée de la Liane, des monts bocagers, des deux caps.
2. Les contrats territoriaux d’exploitation (2001-2002) puis les contrats d’agriculture durable (2002-2006) prévoyaient une mesure restauration de mares et plans d’eau (476 euros/mare).
3. Des crédits ont été mobilisés : État, conseil régional, conseil général du Pas-de-Calais, Union européenne (programme Interreg avec le Kent), société d’autoroutes du Nord et de l’Est de la France (1 % Paysage A 16).

En savoir plus
• Guide technique de la mare, Parc naturel régional des Caps et marais d’Opale, 2005, 36 p.
Téléchargeable sur le site www.parc-opale.fr
• « La prise en compte de la problématique mares dans l’application des mesures agri-environnementales dans le Nord-Pas de Calais, bilan 1995 - 2005 », In Tin ta mare n° 9, 2006, Bernard Delahaye.
• « Évaluation d’un programme de restauration et de création de mares en lien avec trois groupements d’intérêt cynégétique », In Tin ta mare n° 12, 2007, Thierry Mougey, Julie Gallay, Ludovic Lemaire.