Parc naturel régional Normandie-Maine

L’argumentaire paysager pour soutenir une reconquête écologique

 

Espaces naturels n°32 - octobre 2010

Le Dossier

Francis de Brou
Chargé de mission Natura 2000

 

Concilier les enjeux de paysage et de biodiversité… Tel fut l’objectif du Parc naturel régional Normandie-Maine, opérateur Natura 2000, lors des travaux de restauration de la lande sèche sur le versant du Haut Fourché situé au sein des Alpes mancelles1 .
Les faits débutent en 2003 alors qu’un incendie se déclare, dévastant en partie la pinède et laissant place à un paysage de désolation. L’année suivante, après validation du document d’objectifs, le parc propose, à titre expérimental, de réhabiliter trois hectares de lande.
Le projet, présenté à la commission départementale des sites, perspectives et paysages de la Sarthe, bénéficie en 2006 d’une autorisation du ministère en charge de l’écologie, sous réserve de dresser un bilan paysager et de procéder à une évaluation écologique.
Les investigations menées dans le cadre de ce programme révèlent que le Haut Fourché se caractérise par une succession de pentes abruptes et de pentes douces. Ce modelé est le résultat d’une érosion différentielle qui s’explique par l’alternance de roches dures et de roches tendres. Le grès armoricain, résistant, génère des sols squelettiques, propices à l’installation de la lande ou de bois d’essences frugales, tandis que les schistes, plus facilement altérables, permettent le développement de sols plus profonds, favorables à la chênaie méso-acidiphile.
L’utilisation de l’espace influe sur la végétation. L’examen de documents anciens permet d’appréhender l’évolution du Haut Fourché. Les clichés du début du 20e siècle (photo) révèlent un versant rocheux dominé par une végétation basse qui s’intercale entre deux zones boisées. Cette zone de lande sur grès est entretenue par les troupeaux d’ovins et de caprins mais après l’abandon de ces pratiques pastorales, les arbres progressent et les plantations résineuses réalisées aux alentours favorisent la colonisation par les pins de l’espace ouvert. Les affleurements sont alors masqués et la lande disparaît.
En définitive, le boisement banalise le paysage et la végétation. Après cet état des lieux, les travaux de restauration commencent. Abattage des arbres, arrachage des recrus..., sont réalisés en 2008. Les phases d’entretien successives et notamment d’arrachage des recrus permettent aujourd’hui le développement d’une lande sèche avec son cortège d’espèces caractéristiques, contrastant avec la flore peu diversifiée des pinèdes environnantes. L’ouverture du milieu diversifie le paysage (alternance de zones boisées et de zones ouvertes, mise à jour des affleurements gréseux). Le premier bilan de cette opération démontre ainsi que l’altérité des paysages rime avec biodiversité.

1. Situées en limite du Maine et de la Normandie, les Alpes mancelles sont classées au titre de la loi 1930.