Droit

Quels outils juridiques pour intégrer le paysage ?

 

Espaces naturels n°32 - octobre 2010

Le Dossier

Michel Prieur
Directeur Revue juridique de l’environnement

 

La convention de Florence fête ses 10 ans. Elle prescrit d’intégrer le paysage dans toutes les politiques sectorielles. Le code de l’urbanisme impose la dimension paysagère dans les documents d’urbanisme.

La France a l’obligation d’intégrer le paysage dans toutes les politiques sectorielles y compris dans la gestion des espaces naturels. » Cette exigence court depuis le 1er juillet 2006 et résulte de l’application de la convention européenne du Paysage (convention de Florence) signée le 20 octobre 2000.
Auparavant, le code de l’environnement précisait déjà que le paysage faisait partie du patrimoine commun de la nation, « sa protection, sa mise en valeur, sa restauration, sa remise en état et sa gestion étant d’intérêt général »1. En pratique, cette intégration a un contenu incertain. Les exigences paysagères peuvent varier en intensité selon les lieux considérés.

Si le code de l’environnement intègre le paysage comme un facteur à prendre en considération dans la gestion des territoires, il n’en précise pas les modalités. C’est toujours au gestionnaire de formuler des orientations et de mettre en œuvre des pratiques concrétisant l’objectif de qualité paysagère. Et paradoxalement, les espaces naturels les plus protégés, tels les parcs et réserves, sont ceux pour lesquels le code est le plus discret (les textes sur les parcs naturels marins et les réserves naturelles ne mentionnent pas le paysage comme un élément déterminant de ces espaces).
Plus audacieux, le code de l’urbanisme (voir ci-contre) n’a pas hésité à associer « maintien des équilibres biologiques » et « paysages ». Ainsi l’article R.146-1 vise directement les réserves naturelles sur le littoral.
Quant à la mise en œuvre de Natura 2000, la directive communautaire du 21 mai 1992 visant directement le paysage2, elle aurait dû s’accompagner d’une véritable politique paysagère. Malheureusement,
la transposition française a ignoré le facteur paysager. Ceci ne devrait pas empêcher les gestionnaires d’intégrer le paysage dans leurs décisions comme leur en fait l’obligation la directive de 1992 et la convention de Florence.
La législation sur les sites, elle aussi, ne fait pas état du paysage. Pourtant, c’est probablement celle qui conduit le plus directement à le prendre en considération : le juge administratif est souvent un complice attentif de la qualité paysagère pour apprécier le classement d’un site.
L’apport notable de la convention européenne du Paysage est de ne pas se limiter aux seuls paysages remarquables.

Désormais, la priorité doit portée sur les paysages ordinaires et les paysages dégradés. À cet égard, les instruments privilégiés sont le permis de construire et la planification urbaine : Scot, Plu, carte communale. Ils permettent en effet de contrôler les atteintes aux paysages naturels ou urbains3.
D’autres activités peuvent perturber, voire dégrader le paysage non protégé : les activités agricoles et forestières, la publicité et l’affichage. Là aussi, l’intégration s’impose. La loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999 fait de l’entretien des paysages un des volets de la politique agricole. De même, l’aménagement rural oblige à prendre en compte la protection des paysages4.
Quant à la forêt, il faut insister sur sa valeur paysagère qui, hélas, n’est pas encore expressément prise en considération dans le code forestier.
Contre les agressions aux paysages, un combat subsiste résultant de la violation du droit relatif à l’affichage et à la publicité, du fait d’un laisser-faire coupable de la part de certains élus locaux et administrations. Les dispositions relatives à l’affichage5 figurent pourtant dans le code de l’Environnement (titre consacré à la protection du cadre de vie, art. L .58-1 et s).
Par ailleurs, la convention du Paysage précise qu’il convient de formuler des objectifs de qualité paysagère, lesquels serviront de guide aux démarches d’intégration du paysage dans les autres politiques. Ces objectifs de qualité devant être élaborés aux niveaux territoriaux adéquats après une analyse des paysages : caractéristiques, dynamiques et pressions qu’ils subissent.
Parallèlement, s’inspirant de la convention d’Aarhus, la convention de Florence impose d’associer les acteurs à la réflexion et à la formulation des politiques locales. En effet, le paysage est à la fois un patrimoine commun et la concrétisation du droit de l’Homme de vivre dans un environnement de qualité.

1. art. L. 110-1 • 2. art 3-3 et 10 • 3. art. R.111-21 et L.121-1 code urbanisme
4. art. L.11-2 code rural • 5. modifié par la loi Grenelle 2, cf. page 42.