Paysages, culture, nature : le paradoxe ?

 

Espaces naturels n°32 - octobre 2010

Le Dossier

Michel Métais
Directeur général de la Ligue pour la protection des oiseaux

Que reste-t-il de l’opposition entre les notions de patrimoine culturel et naturel ? Certes, pris séparément du site naturel qui l’entoure, la gestion du Mont-St-Michel ou de la cité de Brouage, celle du parc de Versailles ou du château de Chenonceau répondent davantage aux normes « Bâtiments de France », à ses références historiques, architecturales et paysagères. Idem, les personnes qui en ont la charge. Elles ne sont pas formées dans le même moule que leurs équivalents des espaces naturels. Les promoteurs des patrimoines culturel, paysager et naturel d’une part, et les employés des parcs et jardins d’une ville moyenne d’autre part n’ont généralement que peu de relations professionnelles. À première vue, c’est l’huile et l’eau. Pourtant, en 1975, une étincelle a jailli avec la création du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres. L’idée de pérenniser « le tiers sauvage » recouvrait la double vocation de protéger les paysages, la vue sur la mer, les espaces naturels littoraux. Le parti pris de la pointe du Raz avec l’effacement de l’hôtel et la restauration des pelouses sont l’exemple même de cet apparent paradoxe. La Trame verte et bleue, nouvellement votée, constitue elle aussi un facteur de rapprochement. Elle oblige à traiter de l’espace en tenant compte de son échelle et, aussi, de la diversité des acteurs concernés. Désormais, une région naturelle doit être envisagée comme un tout : celle du bassin-versant où est pris en compte le cours d’eau dès sa source, les massifs boisés, l’ensemble bocager… Par ailleurs (autre nouveauté d’ordre sociologique), plus question de gérer la nature entre spécialistes mais en ouvrant le cercle à la manière des parcs régionaux ou des sites Natura 2000. Colloques, formations… Il est urgent que ces mondes se sentent solidaires. Qu’ils puisent dans l’échange des raisons de conforter la nécessité de transmettre aux générations futures des patrimoines inscrits dans l’harmonie du temps.