Conservatoire régional d’espaces naturels Poitou-Charentes

À la reconquête du Petit bois de pins

 

Espaces naturels n°32 - octobre 2010

Le Dossier

Jean-Philippe Minier
Paysagiste DPLG - Antenne paysage - Cren de Poitou-Charentes

 

Après le choc des vents, la réhabilitation écologique des dunes anciennes de Bourcefranc passe par une approche paysagère. Original et convaincant.

Avec des vents dépassant les 210 km/h, la tempête de 1999 provoque des dégâts considérables sur l’ensemble de la façade ouest-atlantique française. À Bourcefranc-le-Chapus, le Petit bois de pins n’est pas épargné. Non seulement de très nombreux sujets – des pins maritimes de plus de 70 ans – sont arrachés instantanément, mais la salinisation superficielle entraîne le dépérissement de bon nombre de chênes.
La reconquête écologique du site s’avère donc nécessaire et sa mise en œuvre sera originale. Abordée conjointement sous les angles écologique et paysager, elle aura le mérite de porter le projet au-delà du seul écosystème local. Elle permettra, aussi, d’associer les populations, lesquelles souhaitent retrouver le paysage qui leur ressemble : un boisement sur dunes anciennes.

Depuis 2004, la région Poitou-Charentes conduit un Plan régional de connaissance et de reconquête des paysages. Via son antenne Paysage, le conservatoire d’espaces naturels apporte une assistance technique aux porteurs de projets de plantations. Dès cette année-là, la commune de Bourcefranc-le-Chapus contacte le conservatoire pour qu’il l’accompagne afin de « redonner au bois de pins son aspect d’origine ».
En termes paysagers, le site a un potentiel fort. L’attachement des Bourcefrançais pour ces dunes est toujours très vif ; des cartes postales anciennes montrent des personnes profitant de l’agréable ombrage des pins.
L’analyse paysagère va révéler que bien qu’à dominante de pins maritimes, le site présente une grande diversité d’ambiances paysagères ainsi que d’habitats : dune grise, dune boisée, arrière-dune boisée à chêne, saulaie et chênaie pédonculée marécageuse arrière-dunaire, dépressions humides, marais littoral remblayé.

L’appréhension du paysage n’est pas limitée aux dires d’experts, chacun peut s’en saisir. Le groupe de suivi est donc composé d’élus, agents des services techniques, enseignants des écoles primaires et maternelles et du conservatoire. Si à l’origine le projet touchait la replantation de la seule pinède, un projet de paysage global et structuré va vite s’échafauder.
Les axes en sont les suivants : premièrement, reconstituer rapidement une masse végétale créant un rôle de barrière vis-à-vis des embruns, afin de protéger à la fois les nouvelles plantations et certains secteurs choisis de recolonisation par semis naturel et évolution libre. Deuxièmement, restaurer et conforter la diversité paysagère à l’intérieur du site par l’enrichissement de la palette végétale.
Issu d’une réflexion sur les structures naturelles présentes au sein de milieux similaires à proximité, le gros de la plantation s’effectue à partir d’espèces de provenance locale, élevées en contrat de culture.
Enfin, très tôt, il est apparu indispensable d’associer la population locale au projet afin de se donner les moyens d’assurer une pérennité à l’aménagement et de limiter toutes velléités de vandalisme comme cela fut le cas sur des aménagements antérieurs.
Les enfants des écoles de la commune ont planté une grande partie des arbres et arbustes du site, actions relatées dans divers médias.
Lors de la plantation, des enfants ont trouvé un crapaud enfoui dans le sable : un pélobate cultripède. Espèce méditerranéenne des espaces côtiers sableux, rare et protégée, elle n’avait jamais encore été identifiée sur ce tronçon de côte. Cette découverte a permis d’entériner la mise en œuvre de l’une des orientations associées au projet, à savoir le recreusement d’une mare en secteur remblayé ; ceci contribuant modestement mais assurément à la reconquête écologique et paysagère du site.