Bilan mitigé pour l’état de conservation

 
L’évaluation 2007 constitue un état des lieux

Espaces naturels n°23 - juillet 2008

Gestion patrimoniale

Hélène Souan
Cellule biodiversité Direction de la nature et des paysages

 

Tous les six ans, les États européens doivent réaliser des bilans de la mise en oeuvre de la directive Habitats, faune, flore sur leur territoire. À partir de 2007, ces bilans comprennent un volet d’évaluation de l’état de conservation des espèces et habitats naturels et semi-naturels d’intérêt communautaire. La première évaluation de 2007 constitue un état des lieux, base de comparaison pour les évaluations futures (2013…) qui traduiront les tendances. Cette évaluation s’est achevée en France fin 2007 et les résultats ont été transmis à la Commission européenne.

En France, 132 habitats naturels et semi-naturels et 291 espèces (91 espèces végétales, 200 espèces animales) sont concernés. Les oiseaux visés par la directive Oiseaux ne font pas l’objet de cet exercice. Le travail d’évaluation a mobilisé une expertise scientifique large, placée sous la responsabilité du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)1.
L’ensemble du territoire
La méthodologie a été mise au point au niveau européen puis adaptée pour la France par le MNHN. L’évaluation est conduite sur chacune des quatre régions biogéographiques françaises : domaine atlantique, alpin, continental, méditerranéen, ainsi que dans les régions marines. Elle prend en compte l’ensemble du territoire2, c’est-à-dire qu’elle ne distingue pas les sites Natura 2000 du reste du territoire.
L’état de conservation de chaque espèce et habitat peut se trouver dans l’une des quatre catégories suivantes : favorable (vert), défavorable inadéquat (orange)3, défavorable mauvais (rouge), inconnu (gris).
Pour déterminer de quelle catégorie relève l’état de conservation, on procède en deux étapes. On évalue chacun des quatre paramètres relatifs à l’espèce ou à l’habitat (l’aire de répartition ; les effectifs ou surfaces ; les habitats des espèces ou les structures et fonctions des habitats ; les perspectives futures) pour le placer dans une catégorie (vert, orange, rouge, gris). L’état définitif est ensuite défini en fonction de règles de pondération (tableau p. 30). Celles-ci s’inspirent du principe de précaution : ainsi, il suffit qu’un seul paramètre soit mauvais pour que l’état de conservation global de l’espèce ou de l’habitat soit mauvais.
La directive Habitats (comme la directive Oiseaux) cible principalement des espèces et habitats, soit rares, soit menacés. Il ne faut donc pas s’étonner que les résultats fassent apparaître une proportion importante d’espèces et d’habitats en état de conservation inadéquat, voire mauvais. Du reste, une comparaison avec les résultats des autres pays européens laisse apparaître les mêmes ordres de grandeur.
Habitats et espèces
Les domaines alpin et méditerranéen sont ceux où les espèces, comme les habitats, se portent le mieux (50 % à 60 % d’habitats et d’espèces en état favorable ou seulement inadéquat), tandis que plus de la moitié des habitats et des espèces en domaine atlantique et continental sont en état de conservation défavorable mauvais (figure 1 p. 30). Les habitats rocheux et forestiers sont en relativement bon état de conservation, à l’exception des forêts rivulaires qui subissent les mêmes impacts que la majorité des espèces et autres habitats liés aux milieux aquatiques. Les habitats marins et côtiers sont, eux, en grande majorité en état de conservation inadéquat ou mauvais, ce qui provient dans la plupart des cas à la fois d’une aire de répartition en régression, mais aussi de surfaces en diminution, et d’une dégradation de leur bon fonctionnement. Les habitats aquatiques et humides (tourbières) sont dans une situation similaire, avec à la fois des problématiques de qualité des milieux et de régression des surfaces occupées. Les landes et fourrés présentent des structures et une répartition bien conservées et ne sont pas, dans l’ensemble, soumis à des pressions importantes : leur état de conservation est généralement bon. Les pelouses et prairies, en revanche, sont en état inadéquat à mauvais en domaines continental et atlantique, ce qui est lié – notamment – à une réduction de leurs surfaces.
La situation dans les domaines méditerranéen et alpin est plus favorable, avec une part assez importante d’habitats en bon état de conservation.
Pour les espèces, on retrouve les mêmes grandes tendances que pour les habitats, avec des espèces littorales (marines et terrestres) et des espèces inféodées aux milieux aquatiques en régression, et des proportions relativement élevées d’espèces forestières et de milieux ouverts en état de conservation favorable ou inadéquat.
Mammifères terrestres et reptiles présentent des états de conservation plutôt bons, avec des aires de répartition et des effectifs stables ; c’est également le cas, dans l’ensemble, pour les insectes à l’exception des odonates (groupe des libellules). En revanche, les poissons, les crustacés et les amphibiens sont un état de conservation dégradé, leurs aires de répartition comme leurs effectifs notamment étant insuffisants et/ou en diminution. D’autres espèces d’angiospermes sont en revanche déjà en régression à l’heure actuelle. Bryophytes (mousses) et ptéridophytes (groupe des fougères), dont une grande partie est jugée en état de conservation mauvais, présentent une aire de répartition et des surfaces en régression, et des quantités d’habitats propices insuffisants. C’est donc bien dans ce cas la situation actuelle qui est problématique.
Pour les espèces comme pour les habitats, il faut enfin souligner que les états de conservation peuvent être contrastés, pour une espèce ou un habitat donné, dans les différentes régions biogéographiques où il/elle est présent.
Un bon indicateur
Les résultats de cette évaluation constituent un bon indicateur de l’état de la biodiversité remarquable et/ou menacée en France métropolitaine. Ils sont également un instrument important pour le pilotage des politiques de conservation de la biodiversité et pour la prise en compte de la biodiversité dans les politiques sectorielles.
L’ensemble des éléments transmis par la France est disponible sur le site de la Commission européenne. Une synthèse plus complète sur les résultats de la première évaluation de l’état de conservation des habitats et des espèces est en ligne sur le portail Natura 2000, rubrique « Agir avec le réseau4 ». Un travail de définition de priorités d’action à partir des résultats de ce premier exercice vient d’être lancé.

1. Plusieurs structures et organismes impliqués dans la gestion et le suivi des espèces et des milieux naturels ont été mobilisés, soit pour rédiger les fiches d’évaluation, soit pour en assurer une relecture collective afin de les consolider. L’Office national de la chasse et de la faune sauvage, les Conservatoires botaniques nationaux, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’Office national des forêts, des associations naturalistes, etc. Le Conseil national de protection de la nature et le Comité national de suivi Natura 2000 ont également été associés à la démarche.
2. Conformément à l’objectif fondateur de la directive.
3. Cette catégorie équivaut à un état moyen : pas favorable, mais réversible.
4. www.natura2000.fr/spip.php?rubrique84

En savoir plus
Guide méthodologique du MNHN : www2.mnhn.fr/evaluation
www.natura2000.fr/spip.php?article148