Port-Cros

Comment évaluer la capacité de charge de son territoire ?

 

Espaces naturels n°41 - janvier 2013

Accueil - Fréquentation

Hervé Bergere
Parc national de Port-Cros
Solenn Le Berre
Parc national de Port-Cros
 

Jusqu’où un territoire peut-il accueillir des visiteurs ?

L’île de Port-Cros est visitée chaque année par plus de 300 000 personnes, essentiellement regroupées durant les quelques mois d’été. La maîtrise de cette fréquentation et des impacts qu’elle génère sont au cœur de la réflexion du gestionnaire. Aussi, une première exploration opérationnelle de la notion de capacité de charge a-t-elle été mise en place au cours des saisons estivales 2009 et 2010. Ce travail partenarial réalisé par le Parc national de Port-Cros et des géographes de l’université de Bretagne occidentale propose d’expérimenter une grille d’appréciation de la capacité de charge à partir de l’étalonnage de curseurs appliqués à un certain nombre d’indicateurs de gestion.

Critères. La démarche a nécessité de faire le choix des critères, indicateurs et paramètres pouvant renseigner au mieux le gestionnaire. Trois critères ont été retenus : usages et usagers, sécurité, bien-être.
• Usages et les usagers. L’afflux se traduit toujours par une augmentation des quantités de déchets et de la consommation des ressources en eau que ce critère propose d’observer.
• Sécurité. Par sécurité, il faut entendre le risque d’insécurité qui peut naître d’une fréquentation excessive d’un espace. Prendre la juste mesure des risques liés aux feux de forêts ou aux mouvements de panique quand la capacité d’accueil est dépassée.
• Bien-être des visiteurs et des habitants. Ce critère intègre le niveau de stress des agents chargés de l’accueil et de la surveillance du territoire. L’état de stress est directement lié à la multiplication des tâches.

Indicateurs. Pour chacun de ces critères, des indicateurs ont été retenus : déchets, infractions marines, risque incendie… (cf. l’intégralité des indicateurs dans le tableau 1). Ensuite la graduation de la capacité de charge est traduite par un code couleur qui indique la gravité de l’impact et donc l’urgence d’action. Elle illustre quatre niveaux de gravité croissants : vert, orange, rouge et noir. Le passage de la couleur rouge à la couleur noire sera défini comme le seuil maximal supportable.
Cette échelle a été fixée parfois arbitrairement selon les acquis de l’expérience du gestionnaire, les normes réglementaires, les connaissances scientifiques et les contraintes économiques connues.

Déchets ménagers. Pour bien comprendre le fonctionnement de l’outil, rentrons dans le détail de traitement d’un de ces indicateurs : la collecte des déchets ménagers. Celle-ci est sous-traitée à une société privée qui dispose d’un agent sur place. L’agent utilise une camionnette adaptée pour transporter 6 containers de 600 litres. Il effectue 1 à 5 ramassages par jour en fonction de la quantité de déchets à traiter, qui est directement liée au niveau de la fréquentation.
L’agent de ramassage estime traiter au maximum 3 tonnes de déchets par jour, ce qui nécessite 4 tournées de ramassage quotidiennes lors des pics de fréquentation. Il affirme pouvoir faire, au maximum, une tournée de ramassage supplémentaire, ce qui représente un peu moins d’une tonne. Au-delà de 5 tournées de ramassage par jour, il estime ne plus pouvoir collecter et stocker les déchets seul et dans de bonnes conditions de travail. Lorsque le camion de stockage est plein, il est transporté sur le continent par une barge.
La fréquence de transfert du camion sur le continent varie, en fonction de la quantité de déchets collectés. Le processus est exigeant en temps et en matériel. Il représente un coût non négligeable car le passage d’un camion sur la barge coûte 1 000 euros. Toute augmentation du volume de déchets sur Port-Cros entraîne donc des rotations plus nombreuses des camions et un coût accru.
Après discussion avec l’agent de ramassage, le paramètre retenu pour ce travail correspond au nombre de tournées de collecte effectuées chaque jour. Le type d’étalonnage est lié à la capacité de l’agent de ramassage à gérer un volume de déchets supportable avant la nécessité d’un renfort d’un second agent.
L’échelle de référence du curseur comporte 4 niveaux s’étendant de 1 à plus de 5 tournées de ramassage des déchets par jour :
• 1 à 2 tournées (vert). L’agent de ramassage travaille dans le calme. Le stockage des déchets est aisé.
• 3 à 4 tournées (orange). L’agent augmente son rythme de travail mais gère correctement son planning et le stockage des déchets reste correct entre deux rotations.
• 5 tournées (rouge). Le traitement des déchets exige plus de rapidité.
L’agent est obligé d’augmenter ses passages journaliers dans le local du port pour éviter le débordement des containers. Il roule plus rapidement pour pouvoir traiter le ramassage. Il est à la limite supérieure de ses capacités de traitement.
• Plus de 5 tournées (noir). L’agent ne traite qu’une partie des déchets et certains containers débordent. L’agent travaille dans l’urgence, il n’est pas satisfait de la situation et des critiques négatives parviennent au bureau du parc national sur le traitement des déchets.
Cet indicateur révèle bien la valeur de la capacité de charge limitée de la collecte des déchets qui sont produits en quantité proportionnelle à la fréquentation de l’île.
Il a été défini en concertation avec l’agent, qui a pour habitude d’évaluer le volume de son travail en comptant le nombre de ramassages des déchets par jour et non en estimant le tonnage journalier enlevé. Cet indicateur est donc facile à renseigner par l’agent.
Quatorze autres indicateurs sont également construits sur le même schéma (cf. tab. 1) en tenant compte de la législation et des réalités de terrain.

Résultats. Afin de permettre une lecture synthétique des curseurs, un tableau de bord de la capacité de charge de Port-Cros a été réalisé (tab. 2). On dispose donc d’une « photographie » de l’état de la charge. Le travail réalisé n’a pas la prétention de fixer un niveau de fréquentation maximum, parfaitement précis et définitif. Il doit être considéré comme le début d’une action de longue durée. De nombreux paramètres ne sont pas pris en compte, tels que les conditions environnementales. De la même façon, la capacité de charge écologique n’a pas été abordée et s’avère difficile à évaluer. Elle relève d’une démarche scientifique pluridisciplinaire et requiert la connaissance de nombreux facteurs d’influence parfois difficilement identifiables et mesurables. •