Et si l’on imaginait, plutôt, de labelliser les exploitations ?
Espaces naturels n°20 - octobre 2007
Françoise Sarrazin
Chargé de mission - PN des Cévennes
Le label « Agneau de parcours du parc national des Cévennes » a dix ans. Le temps d’un bilan.
La pérennité des paysages ouverts du Causse Méjean est étroitement liée à la présence de troupeaux ovins pâturant. C’est pourquoi le parc national des Cévennes a répondu présent lorsqu’en 1997 des agriculteurs, désireux de produire des agneaux d’herbage de qualité, ont constitué une association destinée à valoriser et à promouvoir ce produit dans des circuits courts. Établi en partenariat avec le parc, le cahier des charges de production impose un pâturage sur parcours d’au moins quatre-vingts jours. Cette clause permet d’assurer la pérennité des parcours de haute valeur naturelle et paysagère. L’association réunit dix éleveurs, quatre bouchers, cinq restaurateurs. Elle commercialise chaque année environ huit cents agneaux de parcours, soixante-dix agneaux de lait sous la dénomination « Agneau de parcours du parc national des Cévennes ».
Pour le parc, le but recherché est de permettre la pérennité d’un mode de gestion agricole favorable à la biodiversité et au paysage par une juste rémunération de l’éleveur. Or, dix ans plus tard, deux constats s’imposent : la reconnaissance du produit est effectivement assurée par les bouchers, les restaurateurs et les consommateurs. En revanche, la démarche est handicapée par le trop faible nombre d’agneaux produits, qui ne suffit pas à amortir les charges de structures liées à l’animation de la filière. La démarche de labellisation d’un produit est basée sur l’hypothèse que cette rémunération peut reposer sur la vente du produit, le consommateur étant prêt à payer plus cher un produit de qualité, offrant des garanties sur le bénéfice environnemental de ses conditions de production.
Dans le cas présent, cette hypothèse n’a pas été vérifiée : le différentiel de prix consenti par le consommateur est très faible. Ce constat est partagé par d’autres filières qualité, filière bio comprise.
De plus, la plus-value dégagée sur le produit1 est intégralement « consommée » par la logistique nécessaire au fonctionnement de la démarche (organisation des livraisons et de la commercialisation, certification, communication…). Une telle démarche ne peut donc être envisagée que pour des volumes suffisants. Cette nécessité économique est antinomique avec des espaces à fort enjeux naturels qui sont en général de petite taille.
Sans doute faut-il réfléchir à une labellisation non pas d’un produit (logique de filière), mais des exploitations elles-mêmes, dès lors que l’ensemble du système d’exploitation maintient les espaces naturels en bon état de conservation (en particulier ceux à enjeu patrimonial fort).
1. Pour les éleveurs, la plus-value apportée par la démarche est de 0,15 €/kg, après déduction de la cotisation à l’association. Le coût du contrôle de conformité s’élève à 650 €/an pour l’association. Cette somme annihilerait tout l’intérêt financier de la marque si elle était répercutée intégralement sur les éleveurs.