Agriculture et biodiversité : élargir le regard

 
« La haute valeur naturelle remet l’agriculture au centre de la biodiversité »

Espaces naturels n°20 - octobre 2007

Le Dossier

Philippe Pointereau
Directeur du pôle Agro-environnement de Solagro

 

Comprendre les relations entre agriculture et espaces naturels suppose d’appréhender plus globalement le lien entre agriculture et biodiversité. Deux points de vue nous ouvrent quelques pistes pour réfléchir à l’avenir.

L’agriculture est fondée sur la biodiversité. Tout d’abord parce que la sélection de variétés est basée sur la diversité génétique des espèces. Ensuite, parce que la biodiversité associée (les espèces colonisant spontanément l’espace agricole) est tout aussi importante. Il en est ainsi des insectes pollinisateurs, prédateurs et parasitoïdes (carabes, coccinelles, oiseaux insectivores, rapaces…) qui contrôlent partiellement ou totalement les ravageurs des cultures (pucerons, acariens rouges, limaces…) ou encore d’autres espèces (insectes détritivores, champignons) qui, dans le sol, dégradent la matière organique et permettent le recyclage des éléments minéraux.
Le maintien d’un équilibre biologique dans les espaces cultivés est indispensable pour se passer de pesticides et éviter leurs effets dévastateurs sur les espèces, sur la qualité de l’eau, sur la santé humaine. Il est d’ailleurs indispensable de maintenir un minimum de 5 % de la surface agricole en infrastructures agro-écologiques, c’est-à-dire en espaces non traités, non fertilisés, telles des haies, des prairies extensives ou des jachères écologiques. La biodiversité n’est donc pas un concept extérieur à l’agriculture. La biodiversité est le moteur des systèmes agricoles.
Dans certaines situations, l’activité agricole contribue même, directement, au maintien d’habitats naturels et d’espèces rares ou menacées. On évoquera pour illustrer : le maintien des prairies naturelles de fauche, le maillage de haies, les prés-vergers, les parcours de garrigue, estives, causses, prés salés… ou encore une liste d’espèces tels le râle des genets, le ganga cata, la caille, le vautour fauve… Pour tenir compte de ces cas de figures un concept a d’ailleurs été élaboré : celui des systèmes agricoles à haute valeur naturelle (HVN).
La HVN repose sur un constat : en Europe, dans des paysages ouverts, des zones riches en biodiversité sont souvent associées à des formes variées d’agriculture. Variées mais possédant un point commun : les espaces agricoles qu’elles intègrent fonctionnent sur des processus écologiques similaires aux écosystèmes naturels (notion d’habitat semi-naturel). Par ailleurs, ce sont des systèmes à faibles niveaux d’intrants1.
Au fil des années, ce concept a pris corps. Aujourd’hui officialisé, il a intégré la stratégie européenne pour la biodiversité2 dont le principal levier est la mobilisation des crédits du deuxième pilier de la politique agricole commune. Il reste à rendre le concept opérationnel, en délimitant les zones concernées et en y consacrant un budget. Un important travail reste aussi à fournir pour montrer aux agriculteurs que la biodiversité est un enjeu qui les concerne. Sur ce point, les espaces protégés peuvent servir de vitrine.

1. Les différents produits apportés aux terres et aux cultures.
2. Adoptée en 1998, elle définit des objectifs généraux qui se déclinent dans différents secteurs économiques au premier rang desquels on trouve l’agriculture.