À quelle échelle travailler ?

 
Prendre en compte des enjeux chiroptères

Espaces naturels n°23 - juillet 2008

Études - Recherches

Mélanie Némoz
Programme life nature conservation de trois Chiroptères cavernicoles dans le Sud de la France
Dominique Pain
Programme life nature conservation de trois Chiroptères cavernicoles dans le Sud de la France
 

Une récente étude a permis de découvrir l’étendue du domaine vital des chiroptères.

Si la protection des gîtes s’avère incontournable
pour assurer la pérennité des populations de chiroptères, la préservation de leurs habitats de chasse l’est tout autant. Conscient de cette nécessité, le gestionnaire est cependant rapidement confronté à une inconnue : à quelle échelle doit-il intervenir pour la mise en place de mesures de gestion favorables ?
Une trentaine de naturalistes se sont donc penchés sur cette question dans le cadre d’un programme Life Nature, en ciblant trois espèces cavernicoles particulièrement menacées et méconnues : le rhinolophe euryale, le murin de Capaccini et le minioptère de Schreibers. Ces trois espèces présentent des écologies très différentes : le rhinolophe euryale chasse essentiellement dans et en lisière des peuplements de feuillus bordés de pelouses ou de prairies ; le murin de Capaccini est une espèce inféodée au milieu aquatique qui capture ses proies au-dessus des étendues d’eau calme ; et le minioptère de Schreibers fréquente des milieux aussi hétéroclites que les vergers bordés de haies, les lisières forestières ou les éclairages publics des milieux périurbains.
Très mobiles. Le suivi individuel et
journalier de 120 femelles gestantes ou allaitantes grâce à la technique de radiolocalisation a mis en évidence des déplacements individuels époustouflants chez les trois espèces ! Le rhinolophe euryale, cité dans la littérature comme une espèce à faible rayon d’action (< 2,5 km) en raison de la morphologie de ses ailes, est en fait susceptible de s’éloigner de plus de 10 km de son gîte chaque nuit. Des déplacements records de près de 20 km ont même été observés ! De même, le murin de Capaccini est capable de s’éloigner de plus de 30 km de son gîte, parcourant ainsi plus de 100 km de linéaire de cours d’eau par nuit. Comment soupçonner que ces petits mammifères de moins de 20 grammes étaient capables d’effectuer de tels déplacements ?
Un domaine vital étendu. Le domaine vital d’une colonie de chiroptères, à savoir l’aire utilisée par les individus notamment au cours de leur activité de recherche de nourriture, peut donc être gigantesque. Dans la Drôme, le suivi par radiolocalisation de vingt femelles de miniop-tères de Schreibers, a permis d’estimer la surface du domaine vital de la colonie à 200 000 ha (l’utilisation de cet espace n’est cependant pas homogène).
Plusieurs facteurs sont susceptibles d’influer sur la surface du domaine vital : l’âge, le sexe ou le statut reproducteur des individus/la taille de la colonie (les colonies de mise bas accueillent fréquemment plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d’individus)/la distribution de la ressource trophique/la topographie et la qualité des milieux environnants.
Ces considérations et les résultats de ces études (éclairés par les résultats récemment acquis dans plusieurs pays européens) ont donc permis d’élaborer des recommandations précises quand à l’échelle d’intervention du gestionnaire. Ainsi, par exemple, il a pu être mis en évidence qu’afin de garantir des étendues d’eau de bonne qualité pour le murin de Capaccini, c’est à l’échelle du bassin versant qu’il convient de raisonner l’utilisation des produits phytosanitaires et d’implanter des bandes enherbées en bordure des parcelles ou des cours d’eau.
Reste à trouver maintenant des outils de gestion pertinents et adaptés pour travailler à une aussi grande échelle… Quelques pistes sont données dans le guide technique Connaissance et conservation de trois chiroptères cavernicoles édité par la Société française pour l’étude et la protection des mammifères1.